p r o l o g u e
maman,
papa,
j’me tire,
et j’suis pas désolée.un post it abandonné sur le frigo, quelques fringues fourrées dans son sac, prête à se perdre à l’autre du bout du monde s’il le fallait.
des économies en poche,
pas l’envie de pourrir ici –
à vouloir voir la ville, la grande,
à vouloir voir la vie, la vraie ;
enfant sans expérience, un brin de blé dans les cheveux et des mains tout juste bonnes à cueillir les genêts en fleurs –
une enfant trop vieille,
une adulte trop jeune,
un entre deux indécis qui rêve de plus beau,
qui rêve de mieux.
d’ailleurs.
f i r s t v e r s e
« t’es mignonne. »
que tu lui disais –
regard d’homme,
vision de fille.
gamine aux sourires guillerets, battement de cils blancs et le coeur qui n’arrête pas de s’emballer.
« t’es jolie. »
parce qu’on peut pas trop mentir,
et ça fait mal quand tu regardes ailleurs,
quand tes yeux glisses sur les autres filles,
non les autres femmes –
et j’ai fais un effort tu sais.
j’voulais que tu m’regardes,
encore,
un peu plus,
plus longtemps –
j’voulais t’hypnotiser, moi aussi.
« t’es belle. »
que t’as enfin sorti,
que tu m’as enfin dit,
avec ton sourire tu sais,
celui que j’aime tant ;
et cette soirée était belle, et cette soirée était magique,
et cette soirée.
est loin.
maintenant.
j’avais foutu du khôl noir pour que tu me regardes juste un soir.
j’avais foutu du rouge à lèvre carmin pour espérer un lendemain.
t’as pris la fleur,
tu t’es cassé,
t’as même pas pris le temps d’m’offrir quelques roses en bouquet,
ni d’me laisser,
j’en sais rien,
un mot,
une idée,
un remerciement sur une carte visite même –
pou toi j’aurai tout donné.
j’aurai tout accepté.
t’es jamais revenu.
j’me suis perdue,
jamais retrouvée.
s e c o n d v e r s e
floue.
une image qu’on ne sait saisir.
avec des traits et des couleurs, des lignes aux belles courbes qui pourtant s’échappent sous vos yeux,
à disparaître quelque part,
à l’ombre des chaleurs du soir.
iseul définie par les rumeurs et les bruits de couloir,
qu’a pas de vérité, juste un tissus d’incongruités,
avec des contre-sens et des paroles injustifiées,
des choses qui se posent avec élégance avant de se faire retourner par une nouvelle théorie déclarée.
une hypothèse qu’on ne sait pas confirmer –
une parenthèse qu’on a oublié de refermer,
un foutu bocal à misère digne de la boîte de pandore,
ouverte,
bien ouverte –
avec les vilaines discussions sur le compte d’une nana qu’a pas reculé face à son ambition.
elle a couché.
sacrilège !
elle a usé de son corps –
cette fille là,
je vous le dis,
c’est
une
catin.
une vulgaire putain.
elle a pas de mérite –
vous savez elle sourit et voilà elle se fait du fric ;
vous croyez qu’elle fait ça souvent
vous croyez qu’elle fait ça encore
vous croyez vous croyez vous croyez,
ah.
elle n’a pas honte un peu ?
regardez la se pavaner,
on soulève un peu sa jupe et on trouve des traces de la dernière soirée.
vilaine fille,
qu’a perdu de sa valeur,
du toc, de la ferraille sous une couche d’or,
un torchon de désirs,
cette fille là,
j’vous le dis,
elle n’a aucun avenir.
t h i r d v e r s e
un briquet cassé, quelques strates de parfums et des souvenirs éparpillés. le ciel qui perd ses teintes nuptiales et la vie qui reprend son cours ; cette nuit là était comme un mirage dans le désert des âmes perdues.
e p i l o g u e
iseul a toujours détesté les miroirs.
ils sont traitres, ils sont menteurs,
ils sont des reflets d’illusion ou de votre plus profonde laideur.
iseul a toujours détesté les miroirs,
alors qu’elle se peignait les lèvres de rouge,
s’otait le noir des yeux ;
alors qu’elle se tenait face à lui fardée,
ou bien complètement dénudée.
iseul n’aime pas ce qu’elle voit,
à mi-chemin entre l’acceptation d’une comédienne et les pleurs d’une bohémienne dont les rêves n’étaient réalité qu’un ramassis de conneries.
à s’être frottée un peu trop à ce qui terrifie avant de devenir autre chose –
la métamorphose sans beauté,
le monstre enivré –
à devenir ce que l’on rejette et s’en satisfaire,
à savoir qu’elle serait capable de recommencer si c’était nécessaire.
à considérer que tout semble limpide
alors que les eaux sont croupies.