L’ŒUVRE DU DÉSASTRE - poème d'une soirée d'ivresse

Devant moi se dresse impériale
La forêt de béton et d’acier,
Et c’est dans cette atmosphère glaciale
Que naît le monstre au sourire carnassier.

Alter ego surgissant au crépuscule,
Il est le damné qui jamais ne recule,
L’homme qui me détruit
Et que je laisse faire sans bruit.

Suffoquant des agressives caresses
De l’acariâtre passé,
J’implore l’éternelle tendresse
Qui seule saura m’en délivrer.


« Laisse croître en toi le spectre de l’autorité, reste spectateur lorsqu’il  dévorera en toi la compassion que certains considèrent vertu, mais qui n’est rien de plus qu’une faiblesse de l’homme, toujours enclin à sa propre chute.
Fils, sois de ceux qui imposent leur volonté sur un monde avide de souffrance, sois leur bourreau ; ce sera dans les pires moments de douleur qu’ils te haïront, qu’ils te hurleront leur haine mais n’oublie jamais que dès l’instant que tu relâcheras de quelques centimètres la corde nouée à leur cou, ils accourront penauds, t’implorant de prolonger leur supplice. »


Il scrutait la ville avec attention, détaillait la moindre fenêtre s’illuminant, le moindre lointain klaxon, la moindre goutte de pluie chutant contre le macadam. Inspiration étouffée et tabac calciné ; sa cigarette se consumait chaque seconde un peu plus. Tout lui parvenait dans un écho continu de sensations orgasmiques. Il effleurait l’hybris, grignotait le plaisir.
Accoudé à sa baie de verre, le monarque qu’il se plaisait à interpréter crachait allègrement une fumée opaque. Longeant ses flancs, caressant ses côtes, les douces mains de Hyomin s’épousèrent parvenues à mesure de son torse. La Vénus vint s’appuyer contre son dos froid, déposant sa tête contre sa nuque. Il la laissa faire, ses quelques instants n’appartenaient qu’à eux. Cette douceur, cette délicatesse, c’était leur secret. Leur inavouable secret.
C’était tout du moins de telle façon que l’avait convenu Hyomin. La callipyge savait pourtant qu’on ne passait pas de contrat avec le diable, et que jamais, on ne pouvait espérer le prendre de court. Accord caligineux, promesse obscure, elle se savait sujette à la volonté arbitraire du bourreau dont elle s’était éprise. C’était cette emprise unique et délicieuse qu’il savourait indéfiniment ; envoûté par la moindre effluve du doux parfum du pouvoir.