6 Août 1993, la chaleur est presque insupportable et pourtant un heureux événement chamboule cette famille. Et chambouler est le bon terme. Elle chamboulera les coeurs, émus et heureux d'avoir un nouveau membre à la maison, une prolongation de leur amour et leur union. Elle chamboulera les habitudes, s'inquiéter pour un autre être, s'organiser autour d'un être pas plus grand qu'un chien mais bien plus demandant. Elle demandera de l'attention, de l'argent et de l'amour. Mais rien n'était impossible, même pour cette famille modeste en quête d'un bonheur qui n'avait pas de prix.
C'est cette famille qui verra une certaine Bo Young venir agrandir les rangs. Une mère muette un père garagiste qui accumulait en plus quelques petits chantiers de nuit. Le repos n'était pas pour lui mais sa vie de famille était importante et sa vie a fait de lui un garçon qui aime travailler et qui se dévoue. La vie ne semblait pas facile, pour manger, pour s'habiller, vivre simplement était donc leur mot d'ordre donnant tout à la petite qui ne manquera de rien. C'était une belle famille, soudée, bien qu'atypique.


- «  Yah ! Mon petit , aide moi à porter ça ! »
- je suis une fille ….

Encore un soupire. C'était si compliqué que ça de voir qu'elle avait un vagin et des seins à la place de testicules et d'un phallus ? Quoique.. ses seins étaient aussi plats qu'un œuf et .. après tout le bas restait plat. En même temps, si ses vêtements étaient autre qu'un jogging et un maillot de foot.. Mais ça n'a pas réellement changé depuis la maternelle. Les enfants étaient déjà très durs, mais quand les grands mère s'y mettent. Elle n'y pouvait rien si son comportement, si ses vêtements n'étaient pas tel qu'on les attendait d'une fille. Bien sûr au début de sa vie, sa mère aimait l'habiller de rose et de petites robes. Bébé on ne se trompait pas sur le sexe de cette enfant. Et quelques années ont passé comme ça, où les vêtements mis étaient un indicateur. Mais plus les années passaient plus les parents se rendaient compte que leur fille aimait les jouets de garçons qu'elle frappait les autres enfants avec un bâton quand ceux ci étaient méchants avec elle. Les moyens aidant les habits se firent de moins en moins princiers, évitant les petites robes à paillettes pour des vêtements bon marché et confortables. Ce qui plaisait à la petite tornade qui commençait le karaté avec son oncle. Les cheveux courts, un air bagarreur et renfrogné les enfants comme les parents la prenait pour un garçon qu'elle n'était pourtant pas.
Mais tout allait bien. Tant que sa famille la soutenait et l'aimait tout allait bien. Elle allait parfois jouer au base-ball avec son père lorsqu'il avait un peu de temps et aidait sa mère aux tâches ingrates et de petites mains. C'était une belle vie finalement. Même si la maison restait très silencieuse lorsque sa mère et elle n'étiez que toutes les deux, le silence ne les dérangeait jamais, offrant beaucoup plus que le bruit incessant et sans but.


– Soyez fort vous avez une fille..
- Bo Young-ah~ sois une bonne fille.

Non, elle ne voulait pas. Elle ne voulait pas être cette « bonne fille » qu'on voulait qu'elle soit. Elle voulait être avec sa mère. Elle voulait qu'elle revienne. Et pourtant pas un seul mot ne sorti lors de son enterrement. Son enterrement à elle, cette femme qui avait toujours vécue avec diligence et respect, celle qui avait tout fait pour que Bo Young ait une bonne vie. Sa mère venait de mourir que son père repartait déjà travailler. Si elle n'avait pas compris sur le moment du haut de ses huit ans. Elle comprit bien plus tard qu'un jour de travail perdu était déjà bien assez pour leur pauvre famille. Elle entendait, toutes les phrases de pitiés que ces vieilles dames prononçaient sans limite. Elle voyait le regard empli encore une fois de cette pitié chez ces dames encore mariée vivant dans le confort d'une vie stable. Et c'est ce qu'elle détesta le plus. Se murant dans un silence de tombe ce n'était pas la langue chinoise de la maison qui allait la faire sortir de ce mutisme. Il dura deux ans. Deux ans où elle ne dit rien à quiconque. Et même quand ses camarades essayaient de la pousser à bout, faisant tomber ses cahiers, renversant sa boisson, ou bien insultant sa famille. Seul les poings répondait mais pas un son ne sorti de sa gorge. Le soir elle continuait ces tâches que sa mère avait l'habitude de faire bien que son père ait essayé de l'en empêcher. Elle lui avait juste arracher la peluche des mains sans rien dire. Et ces deux ans furent un enfer. Pour elle, pour son père. Mais aucun des deux ne se plaignit.


– Yah... t'es vraiment une fille ?
- Comment c'est possible ? Elle n'a même pas de seins !
- Alors.. tu te travesti ?

Un léger rire jaune sort de ses lèvres. Un sourire en coin qui voulait dire beaucoup. Depuis quand n'avait elle pas été emmerdé par ces conneries ? Certes elle avait laissé pousser ses cheveux dans ces années collèges, mais aujourd'hui elle les avait coupé. Elle les coupait car elle n'en avait pas besoin. Cette féminité maladive de ces princesses pensant que le prochain copain qu'elles auront porteront leur sac. Cette voix aiguë qui perçait ses tympans. La main d'une de ces filles s'écrase sur son épaule l'obligeant à reculer légèrement alors que sa colère ne cessait de monter. Si l’acharnement était un sport, ils gagneraient tous la médaille d'or. Son regard noir rencontre celui maquillé au possible de la petite meneuse de jeu.

– ne me touche pas.. plus jamais.
- Ohhhh ! Bobo se rebelle ?

Si autrefois sa voix ne sortait jamais maintenant elle s'en amuse à jouer avec les mots, venir trancher avec ces armes bien propres à ceux qui observent. On la pousse une autre fois, comme une provocation de plus, une raison de plus qu'elle a de péter les plomb.

– Yah... si tu te démaquillait un peu, qu'on rigole.

Comme si la tonne de fond de teint ne se voyait pas. Bo Young avait toujours cette envie de ridiculiser les filles dans ce genre, qui se sentait confiante en groupe, lorsque leur maquillage était fait et parfait. Mais sans, que seraient elles ? Une fille en uniforme qui venait en cours, rien de plus. Mais son comportement ne plaît pas. Bo Young n'appartient à aucun groupe. Bo Young ne se maquille pas. Bo Young n'a pas de copains. Bo Young est parfaite pour être rabaissée. Elle n'est même pas riche. Rapidement tout s'enchaîne et les paris sont lancés.

– Je parie que tu n'es pas une fille.. Je parie.. un baiser !

Bo Young ne peut retenir son rire. Quel imbécile viendrait vérifier pour un baiser d'une prétentieuse ? Il y en a eu un pourtant. D'imbécile. Et avant même qu'elle ne s'en rende compte deux mains c'étaient posé sur sa poitrine. Ce n'était plus drôle. Ce n'était même plus supportable. Ces rires qui trouvaient ça hilarant de ridiculiser une camarade. Ces idiots qui ne faisaient rien. Ceux qui ne regardaient même pas comme si tout était normal. C'était trop pour elle. Il se souviendra longtemps de ce geste. Il avait réussi à la toucher mais il ne le ferait plus jamais. Si son oncle lui avait répéter que  le karaté n'était pas pour se venger cette fois elle s'en fichait.
Une convocation chez le directeur, des parents furieux. Ce n'était pas si terrible. Au moins elle avait pu lui casser le nez et tirer les cheveux de cette « reine » et ça , ça n'avait pas de prix. Avant  même de se faire virer elle s'était incliner devant le doyen. Elle partirait. Tant pis pour ce diplôme. Tant pis pour ces cons qui pensaient avoir raison. Elle n'irait de toute façon pas à l'université vu ses moyens alors pourquoi continuer ? La fierté de partir en première. La fierté de les regarder droit dans les yeux et leur faire comprendre que son avenir ne leur appartenait pas.




Tenir une arme, ramper dans la boue, se dépasser physiquement et mentalement. Que l'égalité soit exigée entre hommes et femmes. Le dépassement de soi. Trouver une utilité. Trouver sa voie. Oui elle était partie dans l'armée au grand regret de son père. Mais elle en avait besoin, elle avait besoin de se montrer, de se prouver à elle même qu'elle avait une valeur. Que les autres pouvaient compter sur elle autant qu'elle comptait sur eux. Malheureusement il y avait une ombre au tableau. Malgré ce bien fait que l'armée avait sur elle, elle ne pouvait atteindre le but qu'elle voulait atteindre. Une vision trop basse pour pilote de chasse, un moral au plus bas, elle décida de quitter l'armée pour reprendre une vie plus calme, et retrouver son père qui se retrouvait seul.

Ce n'était pas forcément ce qu'elle espérait. Laver des assiettes et des verres toute la journée. Mais c'était mieux que rien. Ce n'était pas facile, mais elle n'avait pas l'habitude du facile alors, où était le problème ?  




– SERIEUX ? Toi aussi ? … yah yah yah !! Attends

Les joues rouges du à l'alcool la brunette prenait une serviette qui passait par là demandant un stylo à un serveur avant de rédiger une sorte de lettre à l'intituler spécial. «  Contrat ». Qui ferait un contrat sur une serviette avec de la graisse et du soju dessus ? Bo Young. L'écriture n'était pas droite, bancale même, tremblante et avec des ratures. Des tournures de phrases comme on en sortait bourré mais le fond était là : une colocation. Non pas qu'elle voulait partager sa vie privée avec quelqu'un mais elle avait dû se soumettre à cette idée un peu folle de partager un loyer et donc un appartement afin de partir de chez elle. En faisant glisser la serviette et donnant le stylo à son vis à vis elle le détailla du regard. Ce genre de regard presque menaçant. Les deux n'étaient pas si inconnus que cela. Ils travaillaient partiellement au même endroit pour donner des cours de sport de combat aux jeunes. Ils avaient donc déjà parler, bu ensemble, manger ensemble. C'était parfait non ? Bon, ils dormiront dans le même appartement mais tant que les chambres étaient séparées c'était l'important. Avec peine il signe et son rire résonne dans le restaurant. Peut être qu'elle avait trop bu mais les mouvements d'une danse étrange sans fond sonore attirent l'attention. Seule la joie de vivre son indépendance compte. Prenant la main de Kalei elle lui serre comme un autre homme l'aurait fait avant de souffler sur la mèche qui barre son visage.

– Entendons nous bien … coloc !

C'est faux. Elle n'a de cesse que de l'appeler « tombeur » et de l'enquiquiner mais nous croyons tous à une entente cordiale n'est-ce pas ?