il a la dalle, il tend la main, se prend une claque sur le dos.
- jinho, la prière.
- j'ai faim.
des éclairs qui sortent des iris, ça frémit dans sa colonne comme des fourmis affamées, il laisse ses bras mollement retomber contre ses jambes.
- en silence.
il se retient de mimer les dires du grand-père défraîchit qui sent le compost et l'eau de cologne de la décennie d'avant. la grand-mère se tait, elle qui fait toujours attention à ses dents - loup gardeur de la bergerie qui laissera aucun mouton se faire larguer dans la grande forêt.
il ferme les yeux - écoute à peine.
il a toujours la dalle.

- j'veux la voir.
- qui ?
- maman.
elle rougit la vieille bique, elle rougit à faire envier le soleil lui-même, elle continue de ranger son linge, le plie, pendant que lui bascule les jambes dans le vide, posé sur sa chaise.
- non.
- pourquoi ?
- ta mère ne te mérite pas.
- pourquoi ?
- parce que c'est comme ça.
- pourquoi ?
- parce que.
- pourquoi ?
ses doigts crochus se resserrent sur le tissu, elle pourrait le trouer si elle le voulait. elle pousse un soupir.
- elle n'est pas un cadeau comme toi.
- pourquoi ?
- jinho.
- oui ?
- arrête de demander.
les lèvres se pincent, les lèvres finissent par se coudre entre elles, la tête se baisse - il a jamais su où elle a été embarquée. elle est juste partie, comme ça - et il a toujours aimé se dire jinho, que sa mère c'était de la vapeur.

- moi j'ai des idées qui font pas d'bruit.
- et tes os, ils font pas d'bruit peut-être ?
- c'est pas une raison pour les casser.
- j'te casserai la tête en premier moi, tu vas voir le bruit.

puis y'a eu hana. hana elle était jolie. hana elle était gentille. hana elle était trop facile sur tout - et hana elle disait rien sur elle, elle se mettait en quatre pour sa dose, pour son osmose. hana elle était larguée - un peu kamikaze sans buter les autres autour, elle voulait pas faire hiroshima et nagazaki, juste continuer dans son déni.
hana elle avait un bébé - de qui, personne le savait.
hana elle avait un bébé - tout rose, tout frais.
hana elle avait un bébé - et elle l'avait pas entendu suffoquer.
- hana.
- quoiiii.
la fumée flotte dans l'air, ça pue. ça pue. ça pue la merde. ça pue la pisse. elle est moche hana avec sa jupe déchirée, ses bas défoncés au sang séché, elle est minable, elle est regrettable.
- hana putain.
- qu'est-c't'aaaas...
lèvres sèches, désert de gobi.
- il est tout bleu. MERDE HANA IL EST TOUT BLEU.
y zieute le môme, il fait plus de bruit, plus de gazouillis, il se rue au sol, sur le parquet. prunelles révulsées - et ça craque sous ses pieds comme un cimetière souillé.

il a appuyé, une fois, deux fois, trois fois.
les deux mains à plat - l'envol d'un piaf déplumé.
crac.
la cage thoracique s'est pétée.

il est froid - viande à jeter. le souffle se coupe, le souffle s'arrête, tout s'est fait la malle, à peine il a eu le temps de se redresser que la bouffe s'est explosée à ses pieds.
ça brûle.

la cage thoracique s'est pétée.

ça brûle.

la cage thoracique s'est pétée.

et hana défoncée, s'est mise à glousser, en pensant à des souvenirs enterrés - à une époque jadis connue. et hana déchirée, quatre heures plus tard a hurlé.

il s'était déjà barré - le craquement toujours à l'esprit, et le goût amer dans le gosier du kimchi vidé.

- je sais pas. j'connais pas tes fantômes. les miens ils aiment pas l'sel.
- les miens i's'barrent dès qu'j'allume.
- les miens ils ont du sang partout et des pouvoirs. tu peux les tuer, ils revient tout d'suite.

- va baiser tes morts.
- pardon ?
- j'ai dit, va baiser tes morts, tafiole.
ils se sont bastonnés toute la soirée, à s'arracher le nez, se dégommer des dents - se casser tout à l'intérieur, à vouloir y décrocher le coeur. ils se sont retrouvés dans la rue, allongés, à essayer de se souvenir comment respirer.
- t'appelles comment ?
- ça t'regarde pas, connard.
- kyuwon.
- cool pour toi. putaaain.
mollard ensanglanté qui vient retrouver l'amour de sainte gravité - le dos se retrouve contre le mur, ça tire partout, ça s'écartèle à vitesse grand v, ça rend pas plus vivant.

et depuis, kyuwon, il l'a plus lâché.
comme un vieux chewing-gum mâché, fossilisé contre ses godasses encrassées.