Why don't you find someone else to fight ?
« T’as vu comment elle est fringuée ? C’est pas une fille c’est un monstre ! » Les paroles étaient venues jusqu’à mes oreilles d’enfant alors que je passais dans un couloir. Des mots durs et haineux, et je ne comprenais pas, comment était-il possible de ressentir pareille aversion pour un autre enfant ? Je restais souvent interdit devant les brimades, mais jamais pourtant je ne fus l’une des victimes. Mais j’y échappais grâce à une aura bienveillante, un air sérieux sans trop l’être, une gentillesse relative, une écoute attentive et un air serein. Une tranquillité que j’exhalais et qui semblait tous les convaincre, mais ce jour-là, je ne pus rester de marbre à la sentence dicté par un garçon qui n’avais d’autre motivation que d’imposer sa supériorité. « Et je peux savoir ce qu’elle t’a fait cette pauvre fille ? » « Kal ! Préviens quand tu arrives ! » Légèrement, je me penchais pour apercevoir celle à qui ses accusations étaient destinées. « Elle ? » « Oui elle, tu la connais ? » Je secouais la tête, peu convaincu par l’intérêt néfaste qu’il lui portait. « Bon alors qu’est-ce que ça peut te faire ? T’as vu sa tête ? Elle me fait pitié alors il faut bien l’aider. Aller à plus ! » Mais il ne put pas faire un pas que je l’attrapais par le col de son t-shirt. « KAL ! » La surprise dilata ses pupilles et il tourna vers moi ses yeux assombris par la colère. « Tu ne vas rien lui faire du tout ! » Le calme légendaire dont je faisais preuve se dissipa soudainement, et comme poussé par un démon, je fus surpris de sentir l’agacement étirer mes traits avant de contracter mes muscles. « Tentes ne serait-ce que de toucher à un cheveu et je te promets de te corriger comme il le faut ! Tu n’as vraiment rien d’autre à faire que de t’en prendre à des enfants plus petits que toi ? Grandis un peu crétin ! » Je le gratifiais d’un regard noir avant de le relâcher et de lui donner une petite tape sur le sommet de son crâne. Partiellement satisfait de l’air éberlué qu’il affichait alors que je décidais de continuer mon chemin.

I don’t know you want me…
« Bien joué les mecs ! Pour ceux qui le veulent, j’organise des sessions supplémentaires ! » s’exclama le leader auto-désigné d’un match de foot improvisé au sein même du lycée dans lequel j’étais inscrit. Pensait-il réellement que je me porterais volontaire ? Si je suivais les mêmes cours que tous les élèves de l’établissement et avec cela, les mêmes séances de sport collectives, cela s’arrêtait là. Et après une lutte acharnée sous la pluie, nous rentrions aux vestiaires couverts de boue et frigorifiés. Les accolades et les railleries pleuvaient dans le vestiaire, et je préférais les laisser s’auto congratuler sur leur victoire relative avant d’à mon tour céder à l’appel d’une bonne douche. Et ce ne fut que lorsque le bruit ambiant laissa place au silence que je me glissais dans l’un des cabines afin de laisser l’eau chaude déferler sur mon épiderme glacé. Je profitais d’un moment seul avec mes pensées pour me réchauffer sous le jet, et je n’entendis pas la porte s’ouvrir, ni même se refermer sur un intrus. J’eus un sursaut et un mouvement de recul alors que ses mains vinrent se glisser sur mes flancs. « Wow ! Je peux savoir ce que tu fais là ? » demandai-je en découvrant Sera. Elle n’était qu’une élève de plus dans le même lycée que moi, et si je l’avais une fois aidé avec ses cours, ou lui avait tout simplement prêté un parapluie un jour d’averse, je n’attendais pas de retour de sa part. Mais ma gentillesse, aussi relative soit-elle semblait laisser certaines demoiselles confuses quand à mes motivations. « Je savais que tu m’attendais. » « Je… pardon, quoi ? » Elle ressemblait à une folle et mes yeux ne pouvaient décemment pas glisser sur ses courbes dévêtues. Alors dans des gestes maladroits, j’attrapais ses bras pour tenter de l’éloigner lorsqu’elle les tendit pour m’enlacer. « Sera… écoutes, je t’apprécie mais… » « Mais quoi ? » Les mots restèrent bloqués dans ma gorge. Mais tu es complètement folle ? Mais ce n’est pas en te glissant dans ma douche que tu parviendras à quelque chose ? Mais où est passée ta dignité ? Tant de questions qui restèrent bloquées derrière la barrière de chair et tout ça pour quoi ? De peur de la blessée certainement. « Tu viens de le dire, tu m’apprécies, et il n’y a que nous ici… » Un pas de plus vers moi et je m’extirpais de son étreinte comme un lâche. Je l’esquivais par la gauche en quittant la douche, trempé jusqu’aux os pour finalement m’arrêter et m’adosser à une rangée de casier. Elle est folle… Combien avaient tenté de se glisser dans la même pièce que moi jusque maintenant ? Je n’osais même pas compter le nombre de ces furies qui laissaient tomber leur fierté pour simplement avoir un nouveau trophée. Mais j’ignorais, ou je refusais sciemment d’admettre que ces événement récurrents me concernaient bien plus souvent que ce que je voulais voir. J’en foutiste pour certains, gentleman pour d’autres, j’apparaissais comme le gendre idéal pour beaucoup, mais pour l’heure, je préférais fuir les envies démesurées de Sera que j’entendais protester contre un refus qu’elle ne semblait apparemment pas mérité.

You’re not alone… anymore
« À plus Kalei ! » Je saluais mes collègues alors que je passais les portes de l’établissement dans lequel j’étais fraichement employé. Une berline noire rutilante trônait face à l’entrée, et je m’en détournais pour continuer mon chemin et attraper le bus qui m’amènerait jusque chez moi. « Monsieur Hwang ? » La voix d’un homme résonna derrière moi, et je fus d’autant plus surpris  de l’entendre s’adresser à moi. Néanmoins, il me fallut quelques secondes avant de comprendre qu’il souhaitait réellement me parler. « Oui ? » La méfiance s’insinua dans mes veines alors que je faisais face à un homme aux cheveux grisonnant et à l’allure bien trop soignée pour se promener par hasard dans le quartier. « Hwang Kalei ? » J’hochais la tête en le détaillant de bas en haut, qu’attendait-il de moi ? « Je viens de la part de votre grand père. » « Mon grand père est décédé, vous faites erreur. » Et alors que j’allais faire demi-tour. « Je parle de votre grand père biologique. Monsieur Cho. » Biologique… J’interrompis mon ascension à ce mot, et ce même si le nom qu’il m’offrait avec générosité m’était inconnu. « Biologique ? » répétai-je à voix haute. « Effectivement. Monsieur Cho a fait de nombreuses recherches pour vous trouver, et il souhaiterait vous rencontrer. » Entre ses doigts gisait une carte de visite qu’il me tendit. Je l’attrapais avant de couler un regard sur les lettres d’or calligraphiées  avec élégance sur le papier lisse. Le nom d’un hôtel y figurait, un établissement connu pour son luxe et son excentricité, un endroit que jamais je ne fréquenterais un jour. Je ne me sentais pas moins important de par mon statut social, mais j’eus toute la peine du monde à croire ce vieillard qui se présentait soudain comme le médiateur d’un autre vieil homme rongé par le chagrin de la perte de son petit-fils. Il tenta de m’expliquer à quel point il avait souffert et pleuré la perte de mes parents et combien il avait été dur pour lui de ne pas baisser les bras pour me retrouver, mais tout ce que j’entendais ne sonnaient que comme une histoire digne d’un drama. « Écoutez, vous semblez avoir un bon fond mais… tout ce que vous décrivez… ce n’est pas moi ! Je suis désolé que vous vous soyez trompés, merci de vous être déplacé mais… » Je haussais les épaules devant une situation improbable. « Bonne soirée, et bon courage pour retrouver ce petit-fils. » Et sans demander mon reste, je le laissais sur le trottoir. J’eus le temps de l’entendre composer le numéro de son employeur « Il n’y croit pas… c’était à prévoir…bien…. » Les mots perdirent leur sens à mesure que je m’éloignais, mais je n’y croyais pas. Je ne voulais pas croire à une absurdité pareille. Encore un nouveau type d’arnaque…