Un corps à la mer. Perdu dans l'immensité de cette nuit si mouvementée, à la fois chaude et froide. Et ses membres flottent dans les airs, s'heurtant parfois à ce qui l'entourent. Nara. Sunhi. Le poteau. La douleur est silencieuse, atténuée par l'alcool qui se mélange à son sang. Allongée sur ce banc qui l'avait appelé, elle fixe son téléphone en rigolant. Idiote. Pourquoi rigole-t-elle alors qu'elle peut entendre son cœur pleurer, noyé dans ces bouteilles à présent vidées. Et alors que son estomac la gratte, anormalement gonflé, elle se relève. Un peu trop vite, un peu trop fort, et le monde tourne. Ou peut-être était-ce juste elle. Quand ses yeux l'aperçoivent. Et le myocarde s'agite, prit de nouvelles pulsions révélatrices. Un sourire apparaît sur son visage fatigué, détruit par la soirée qui l'avait vu mourir puis revivre. Titubant, elle se lève difficilement pour l'accueillir. Bras ouverts, prête à le prendre contre elle, le corps happé par sa silhouette. « Tu es làààààààà. » la voix sincère, traitresse de ce qu'elle veut tant cacher.

la vague à l'âme d'une âme aux remous incessants. la colère orageuse gronde jusqu'au plus profond de sa cage thoracique, éveillant de vieilles rancœurs et ravivant la flamme d'anciens débats ardents ; la foudre chante à ses tempes les sons des démons. Ses pupilles, si noires, si profondes, si dilatées, si consciencieusement ancrées à cet écran trop lumineux pour la pénombre, alors que ses foulées l'épuisent tant elles s'enchaînent. il somnolait ; elle l'a tiré d'une étreinte plaisante par égoïsme. et il n'a su refuser -il y a bien des choses qu'il ne sait lui refuser. et par miracle, elle ne s'est pas éloignée de l'appartement tant que ça. lui non plus. le souffle court, aleksei met fin à sa cavale lorsqu'il pose ses orbes dévastatrices sur elle, et puis elles. la mâchoire se serre et plutôt que l'étreindre d'une douceur habituelle, il repousse le corps de suji pour ne garder que son poignet entre ses doigts ; vénéneuse violence. « toi, tu rentres avec moi. » menaces, dans l'hypothèse où elle aurait pu changer d'avis. sourcils froncés, son visage si près du sien, et ses yeux qui lancent des éclairs.

Les bras ouverts, le cœur ouvert, elle l'attend Suji. C'est à se demander si elle ne l'a pas attendu toute la soirée malgré la haine et la colère. Elle a espéré le voir apparaître, le voir sans celle qui occupe ses pensées et ses nuits. Et maintenant qu'il la dévisage, elle sourit. Si heureuse et pourtant si triste. Étourdie par l'alcool qu'elle a bu sans pouvoir s'arrêter, espérant sécher ces larmes transparentes. La gamine le regarde et elle veut voir en lui ce prince qu'elle attend depuis toujours, à l'allure gracieuse, légère. Mais c'est un regard acerbe et une voix froide qui vient la frapper. Sa main entoure son poignet, l'agrippe un peu plus alors qu'il détient d'ores et déjà son âme damnée. Si injuste, si terrible. Suji en redemande pourtant, toujours, sans limite. Elle le repousse pour mieux l'attirer à elle. Et il finit toujours par répondre. C'est à la fois si égoïste et si bon. « Rentrons à la maison. » et ses lèvres caressent son oreille alors qu'elle lui murmure ces quelques mots troubles porteur d'un sens important. Leur appartement. Celui qu'il avait dit vouloir quitter. Portée par l'alcool et l'effet de ce contact même brutal, elle ne se tourne même pas vers ses amies et s'élance dans une marche sinueuse, se dirigeant certainement vers la mauvaise direction. Peu importe, tant qu'ils sont ensemble.

les mots acerbes sont peu nombreux mais suffisent à trahir une impatience-poison. Le métisse raffermit sa poigne et, mué par une rage sourde, se moque alors éperdument d'enfoncer ses ongles dans cette peau pourtant si délicate, satinée. une soirée passée à se questionner, à chercher le sens et des réponses à des questions dont il n'avait pas même saisi les racines. contraint à quitter son propre appartement pour les désirs illusoires et dangereux de sa colocataire et trouvant refuge dans les bras d'une petite amie qu'une bouteille de trop lui aura arrachée à nouveau. cavalant seul dans la nuit noire sous les néons des clubs et des magasins de proximité, la fatigue éreintante en boulet à sa cheville. mais une part de lui vient lui susurrer que tout ça n'a que peu d'importante : c'est suji. celle qui, enfant, fut amie et sœur, confidente. celle qui, adulte, se trouve être une étrangère si familière. alors, maladroitement, il délaisse son poignet pour l'entourer de ses bras ; quelques secondes tout au plus, d'une gêne palpable. les poils dressés, les fourmillements avalant la moindre parcelle de son épiderme brûlant au simple soupires, aux uniques mots échoués à son oreille par une bouche alcoolisée. aleksei, dont les dents viennent trouver ancrage sur sa lèvre inférieure, ordonne brièvement ses pensées, repousse à nouveau le corps de son amie d'enfance. « je rentre, et je repars. j'ai déjà perdu assez de temps avec tes conneries. il est hors de question qu'eden se réveille sans moi. » une nouvelle oeillade, bien vénéneuse, à l'attention de toutes. « avec vos conneries. » le timbre rauque et grave de l'épuisé s'évapore soudainement de ses lèvres pourtant continuellement entrouvertes lorsqu'elle ouvre la marche et, avec surprise, il ne porte que peu d'intérêt à la voie empruntée. était-ce l'alcool qui poussait ses hanches à prendre une telle amplitude dans leurs mouvements lorsqu'elle marchait ? peut-être était-ce naturel, mais il en était bien de la première fois qu'il lui observait un tel phénomène. trouble.

Si elle n'a pas tant réagi à cette étreinte maladroite, elle a cependant senti son coeur lui échapper et tomber aux pieds de celui qu'elle tient tant à définir comme son meilleur ami de toujours. Pourtant, à cet instant, Minho a disparu de son horizon. Ce n'est pas que physique, mais psychique. La gamine n'arrive plus à imaginer les mains fiévreuses de son petit ami contre sa peau. Elle ne sent qu'Aleksei la serrer dans ses bras hésitants. Mais elle se dit que l'alcool lui joue des tours, que si elle l'oublie ce n'est pas sa faute. Parce que ce n'est jamais de sa faute à Suji, pas quand ça concerne ces sentiments incontrôlables. Victime d'une faiblesse qu'elle n'arrive à combattre, elle se laisse tomber peu à peu dans la noirceur d'un espoir vain. Il laisse voler dans les airs des menaces, des vérités et se laisse balader par la yasaeng qui n'a que faire de ces paroles sombres. Pas maintenant, pas ce soir, alors qu'elle baigne dans l'écœurante légèreté que lui apporte l'alcool ingurgitée. Si seulement elle arrivait à se souvenir des messages précédemment échangés. Alors peut-être elle le forcerait à la lâcher pour que sa main s'abatte sur ce visage qu'elle voulait pourtant embrasser. Mais l'oubli les sauve en cette nuit étoilée, et elle chantonne tout en marchant là où le vent la mène. Soudain, elle se retourne. Son corps heurte celui du russe alors surpris et elle rigole. « Elle fait de beaux rêves la belle au bois dormant alors ? » ses pensées se dirigent vers celle dont ses cauchemars portent les traits. Il n'y a aucune haine dans sa voix, aucune rancœur, parce qu'elle en a juste rien à foutre. Jusqu'à ce que le soleil se lève et qu'il lui rappelle ce que la chimère a et qu'elle n'aura jamais. lui.

les prunelles dévastatrices mais dévoreuses ; avides de réponses, affamées de savoir -toutes ces questions soudaines, nouvelles, insensées. et la tourmente qui ne le quitte pas (jamais). la colère qui gronde, plus puissante encore que toute la malice dont il peut pourtant faire preuve ; la rancœur, l'inquiétude : la folie. son visage détourné dans un râle sec et expressif ; un feulement félin si nauséabond. il l'abandonne du regard -à défaut de ne l'avoir abandonnée à son sort en cette soirée. ses pas emboîtent les siens, mais sont plus rapides, plus saccadés, désordonnés. « dépêche toi, t'es lente. » remontrances, fureur s'abattant en vagues suicidaires sur chaque part de son épiderme et se mourant en échos jusqu'à ses tempes. cacophonie des sens. puis elle s'immobilise et fait volte-face ; son corps contre le sien, et la mâchoire d'aleksei qui se crispe vivement alors qu'il inspire dans l'espoir de ne pas imploser. ses lèvres pincées, ses dents qui se broient.  « oui. et j'aimerais bien qu'elle ne se réveille pas avant que je rentre, alors t'es priée de bouger ton cul suji. » un nouveau venin, de nouvelles insultes quoique plus doucereuses. ses doigts qui retrouvent leur place autour d'un poignet d'une force dangereuse. et le métisse prend les devants, écartant de son passage les rares personnes à l'aide d'orbes noirs furibonds, offrant son dos à celle qu'il se refuse de regarder. de peur que la colère s'épuise pour son sourire. et il le refuse. « ouvre encore une fois ta bouche pour rien et je trouve le moyen de te faire taire. » il crache ces mots d'un timbre trop rauque, trahissant son amertume. (regarde, il n'y a que pour elle que la colère gronde et ose surpasser la douceur ; elle est la seule à la faire sortir de ses gongs. à le laisser être humain.)

Le corps lourd et l'âme légère, elle divague le long du trottoir. Accrochée à cet être qui ne devient non plus seulement une dépendance sentimentale mais physique. Il l'aide à filer droit, évitant ses genoux de rencontrer le sol dans un fracas blessant. Pourtant, elle sent ses membres trembler. Était-ce le froid du clair de lune, l'alcool qui s'épuise ou cette main qui entoure son poignet ? Des questions sans réponses, pourtant si évidentes. Leur corps entrent en collision, deux astres opposés qui se rencontrent enfin. Le Soleil. La Lune. Son sourire s'illumine alors qu'elle ne réalise pas vraiment ce qu'elle dit. Pourquoi parler de la vipère quand rien que son nom la fait vomir. Des coups de fouet auto-distribués. Dents serrés, il lui répond, la menace à nouveau et l'embarque dans sa marche plus rapide. Ses yeux roulent et elle suit sans piper mot, alertée par sa voix si glaciale et son dos qui lui apparait comme plus fort, plus puissant. La tension rythme sa respiration tandis qu'il essaye tant bien que mal d'en finir avec cette soirée maudite. Et la gamine réussit à le suivre, jusqu'à ce que ses pieds ne suivent plus ses pensées et qu'ils s'emmêlent. Ses genoux rencontrent le pavé et sa main libre l'empêche de tomber trop bas. Son poignet toujours tenu par son autre, elle lâche un petit cri de douleur avant de rire. Bêtement. « C'était un nouveau pantalooon noooon. » la douleur est réelle mais sourde, elle pleure avec hilarité ce vêtement sans importance. Puis, dans un râle, elle se détache, arrive à se libérer de son emprise « Rah puis lâche moi, j'suis pas ton chien, tu m'fais mal. » qu'elle beugle, alors vexée par sa chute. Le monde n'est toujours pas droit, il tourne sans cesse et elle voit trouble Suji, mais elle tente de se relever dignement. En vain. Poupée amère tuée à l'acide.

la colère était si sourde que mille mots n'auraient suffit à en entacher le silence glacial. pourtant, il ne sait et n'ose comprendre pour quelles raisons, quelles obscures motivations, ce feu follet embrasait son cœur d'une véhémence mortelle. sa nuque, poisseuse d'une fine pellicule d'effort et d'inquiétude sur laquelle s'ébattent de sombres mèches frémit encore du souffle de ses mots si innocents, de son timbre si sulfureux. les dents serrées, les zygomatiques saillants, la pulpe de ses doigts contre l'épiderme de suji. les cœurs à l'orage. la chute, le cri discret, le palpitant qui s’essouffle en un instant. aleksei vrille ses pupilles sur son amie ou ce qu'il en reste, ses lèvres échappent un soupire trop longtemps contenu. désorienté. « tu m'insupportes. » lui qui, d'insultes empoisonnées, l'avait inondée ; lui qui de mots-douceur était revenu courber l'échine, lui dont le sang bout à l'instant, lui qui regrette de s'être déplacé pour ça. le poignet lui échappe ; sa langue vient par automatisme humidifier ses lèvres pleines et rougies de ses propres morsures incessantes (et peut-être de morsures passées). « parce que tu crois que tu me fais pas mal, à moi ? » raillerie qui en dit tant, et qui pourtant en dit si peu. il s'agenouille, attrape d'une poigne ferme (et sans nul doute, bien trop violente) la mâchoire de la femme ; darde ses orbes-feu dans les siens. « t'es risible ce soir, tu fais peine à voir. » il espère, ô espérant tant, un électrochoc capable d'éveiller l'esprit guerrier d'une femme qu'il connait si peu mais qu'il devine lionne. abandonne, lorsque seul le flou de ses yeux formule une réponse. un baiser, éphémère, sur le front : pardon. « grimpe sur mon dos, rentrons à la maison. »

Le coeur soudainement rongé par une colère passagère, elle retire son poignet de ses doigts serrés, elle repousse cette emprise qu'il a sur elle. Mais peu importe combien de fois elle le fera, elle reviendra toujours. Faiblesse d'une âme emprisonnée entre la douceur et la violence qu'il lui traduit. Une marionnette dont il ne savait même pas tenir les ficelles. Elle entend son soupir mais l'ignore, trop concentrée à se remettre debout pour retomber juste après. La fierté arrachée, elle ne pensait pourtant pas aux regards posés sur son corps abîmé par l'alcool. Suji ne l'entend plus, ne l'écoute plus. Parce qu'il n'est que poison ce soir. Si heureuse de le voir, si apeurée de ses mots acerbes. Ça cogne dans sa tête, résonne comme une mélodie incessante, épuisante. Et alors qu'elle essaye une nouvelle fois de se remettre sur pieds, la main du russe l'attrape dans une violence étourdissante. Ses sombres iris rencontrent ses éclairs et elle sent la boule se former dans son estomac fragile. Une énième critique, une énième blessure. Qu'il arrive à lui faire oublier en un baiser déposé. Le contact de ses lèvres sur son front agite son palpitant, trop fort pour être ignoré, et un sourire manque de naître sur ses lippes quand elle se souvient de ses mots tranchants. Ses sourcils se froncent et elle le regarde se tourner pour lui proposer son aide, un porté que ses membres lui supplient d'accepter. Mais la gamine, de ce culot qui la caractérise tant, se relève et le pousse légèrement en passant à côté. Jamais. Elle restera maîtresse de ses mouvements. Elle évitera de trouver réconfort contre ce corps qui l'attire tant. « Retourne voir Eden, j'vais m'débrouiller. » qu'elle dit en sortant son téléphone de sa poche, à la recherche du numéro de son petit ami pour lui demander où il était. La vue floue, elle peine Suji, s'apprêtant à appeler sa mère plutôt que Minho. Erreur qui pourrait être fatale. Mais elle s'en fout, prête à le faire. Et elle sent l'étudiant près d'elle, ce qui l'irrite autant que l'excite. Dans un râle, elle laisse ses mains retomber le long de ses hanches et tourne ses yeux vers lui « Si j'te fais tant peine à voir Aleks, dégage. Je te jure, dégage. » parce qu'il est dangereux de le voir ce soir, alors que son esprit est faiblesse et qu'il lui crie des idées interdites.

incapable de dissocier la fureur de l'inquiétude, et en ses yeux l'immensité d'un océan de doutes qui persistent vient troubler sa vision. les néons aux couleurs vives en reflets sur sa peau alors d'albâtre au hâle dévoré par la nuit stroboscopée,  le souffle de busan l'immortelle, la grande, l'idyllique sur ses cheveux en bataille que sa main libre ne cesse de maltraiter ; l'esprit de busan la dévastatrice qui hurle à son cœur le mépris, les chiens aux abois qui mordent par crainte d'être blessés. aleksei, perdu. le baiser déposé du bout des lèvres avec une sincérité propre à ceux dont le cœur parle avant tout dans une situation où le palpitant est pourtant avare en paroles violentes. le regret. invité non-désiré, persistant et si soudainement arrivé. il mord à nouveau ses croissants de chair alors que ses yeux se plissent en une demie-lune, demie-joie, demi-trouble. « dép- » pas même le temps d'un mot, à cet instant où il lui confie toutes les cartes, elle les retourne contre lui. agenouillé face à l'artiste incomprise, il déglutit dans l'espoir de faire disparaître cette boule stagnant au creux de sa gorge. mais si je suis venu, c'est que ça n'est pas eden que je veux voir. l'homme de toutes, mais rien d'autre que le sien. le doux et viscéral besoin de lui susurrer une vérité à l’interprétation douteuse alors que chaque parcelle de son épiderme crie son inquiétude pour l'alcoolisée, mais il se tait et pince ses lèvres, durcit son regard plus encore qu'il ne l'était déjà. « tu m'as fait bouger de mon lit pour me demander de dégager ? tu plaisantes j'espère, min su ji. » il détache chaque syllabe avec le timbre hautain de celui qui se sait supérieur en la situation ; le dominant, celui qui contrôle, celui qui surplombe. ne se redresse sur ses jambes qu'après s'être rassasié de ses vaines tentatives d'appels. « qu'est-ce que t'essayes de faire ? envoyer un message à une des filles ? nara ? oh... » contrôle. le besoin de contrôle. de dominer l'échange peu importe le sens qu'il en prendra alors tant qu'il s'en montre l'initiateur. « tu comptais appeler ton merveilleux petit ami, peut-être ? celui qui t'as laissée seule et complètement ivre au lieu de veiller sur toi ? » aleksei n'a jamais eu la moindre raison d'en venir à porter un quelconque mauvais jugement sur le petit-ami de suji, bien au contraire heureux que l'on s'occupe alors d'elle. jusqu'à ce soir où il a trahi sa confiance et laissé l'enfant, la gamine-poupée dans une telle situation. l'espace réduit, de pas à pas, jusqu'à ce que son visage soit à nouveau face au sien ; l'échine courbée. le sourire au coin des commissures, et le venin sur la pointe de la langue ; cette même langue qui, par habitude, vient humidifier les lippes avant que les mots ne s'envolent et fusent en balle de fusil. « parlons-en. il est où ton copain ? tu veux que je dégage mais c'est qui que tu as réclamé, quitte à le tirer du lit ? il fait quoi, quand tu vas pas bien ? il est où là, maintenant ? quand moi je suis là ? » 

Le repousser pour mieux l'attirer, une manie que l'enfant sait désormais maîtriser à la perfection, l'utilisant parfois à son encontre. Et ce soir, elle ignore si elle le veut vraiment ailleurs ou ici. Avec Eden ou avec elle. Question stupide alors que son sang bouillonne toujours autant en se remémorant les images aperçues un peu plus tôt sur les réseaux sociaux. Jalousie perfide qui la rend meurtrie. La prend aux tripes et la rend aussi fragile que du papier. Suji la faible, Suji la lunaire. Toujours l'impression de briller que lorsque ses yeux se posent sur elle avant de retomber dans l'ombre. Son ombre. La voix de l'insouciante frappe l'air, espérant l'atteindre et le blesser en même temps. Dégager, l'abandonner. Elle le veut sans le vouloir. Et ses yeux retrouvent l'écran lumineux où ses doigts cherchent le prénom de son petit ami, voire celui de ses amis. Peut-être aurait-elle dû rester avec Nara et Sun Hi, peut-être aurait-elle dû garder Aleksei loin d'elle. Il avait dit que prendre ses distances devenaient nécessaires et elle a voulu faire la sourde oreille la gamine, pas prête à le voir partir alors qu'il était pourtant déjà si loin. Des étrangers aux attaches aussi pures que dégueulasses. Et sans s'en rendre compte, elle a réveillé la bête, le monstre. Le vent le suit alors qu'il s'approche pour regarder ce qu'elle fait, commenter. « Ferme la. » deux mots tranchants, la voix tremblante. Les paroles du russe l'atteignent mais elle se refuse encore et toujours d'entendre. Ce n'est qu'en sentant sa gorge se serrer un peu plus qu'elle prend conscience qu'elle l'écoute finalement. Comme à chaque fois. Parce qu'elle n'arrive pas à le fuir, à le détruire. Et se laisse dépérir à la place. Puis leurs orbes se rencontrent à nouveau, faites de feu et de glace, un choc qu'elle ressent jusqu'à dans son bas ventre. Et il crache. Crache la vérité. Éclabousse son visage d'un venin brûlant. Des questions à la pelle, toutes aussi blessantes que révélatrices. Minho n'est pas là. Lui oui. Mais Minho la fait vivre. Lui la tue. Son palpitant suffoque, étouffé par l'intérêt mauvais qui découle du garçon. Aleksei n'est pas bon pour elle, pas ce soir, ni jamais. Et d'une main peu confiante, elle le repousse pour mettre de la distance entre leurs cœurs pleurants. « Je ne sais pas ! Il est quelque part. Et toi t'as beau être là Aleksei, t'as cessé de me voir depuis des années déjà. N'agis pas comme si tu étais présent pour moi parce que tu ne vois que par Eden, ou peu importe le nom de la prochaine. » elle ne devrait pas la gamine, elle en dit trop, ou peut-être pas assez -parce qu'il y aurait bien plus à dire. Ses jambes l'éloignent de l'éphèbe, le plus possible, et elle ne regarde pas où elle va. Trop absorbée par son regard noir, par sa peau qui l'appelle. Et elle craque. S'approche à nouveau en faisant de grands pas pour venir à sa hauteur, sa poitrine heurtant son torse soulevé par sa respiration bruyante, colérique. « Tu peux cracher autant que tu le veux Im, j'ai beau avoir perdu mon copain ce soir, ce n'était pas volontaire. Toi, qu'est-ce que tu fous là ? Tu t'es glissé hors du lit, l'abandonnant pour venir trouver une fille, pour venir me trouver. Je suis pas certaine que cet acte de bonne foi lui plaise quand elle l'apprendra. T'es aussi stupide que je le suis ce soir. Alors épargne moi ton jugement à la con. » qu'elle crie, saoulée, énervée, dépitée. Son souffle s'écrase contre le visage de l'être d'habitude si brillant, et elle lui met des claques invisibles. Si idiots, l'un comme l'autre. Si cons.

aleksei, sourcils froncés et lèvres entrouvertes, les cils charbonneux s'effleurant entre eux par la surprise, l'imprévu. l'homme au besoin vital de contrôle qui ne se complaît que lorsque les événements se succèdent de la façon souhaitée ; pris au dépourvu à cet instant où elle en renverse le cours et échappe à ses mots cruels. sa mâchoire tremble, son torse se soulève d'un souffle saccadé imposé par la colère et la déception de voir ainsi suji retourner ses mots contre lui. déçu d'entrevoir en la tirade de l'artiste un fond de vérité sur lequel il s'évertuait jour après jour de fermer les yeux. et elle revient, l'indécise, se jeter au corps-à-cœur contre ce palpitant soudainement meurtri par les remords d'une véracité lourde à porter. la colère s'est noyée dans un chagrin mélancolique : il se refusait jusqu'alors à penser à leur chemin parcouru. les nouvelles paroles n'apposent sur ses lippes qu'un mince sourire ; ses épaules sont affaissées et ses yeux, perdus sur les arbres par peur de se noyer dans les siens, ne hurlent que quelques mots. pardon, désolé. j'aurais du être là. le russe déglutit, trouvant, osant, enfin faire preuve de courage en lui adressant un regard coupable. « tu ne devrais pas boire autant, ça ne te va pas. » il rapproche son visage de celui de la douce, avant de nicher sa mâchoire contre sa tempe, ses bras encerclant sa taille. souffle court. « tu es saoule suji. eden dort. qu'est-ce que tu voulais que je fasse ? que je te laisse potentiellement crever ? n'importe qui aurait fait pareil, viens pas dire ce genre de choses. c'est vrai qu'on se connait plus autant qu'avant, ou qu'on fait plus grand chose ensemble mais tu me manques chaque jour ; j'ai besoin de ma meilleure amie. eden aurait fait pareil pour ses proches, je pense qu'elle comprendra. c'est une fille adorable avec un grand cœur et loin d'être stupide. mais tu le saurais, si t'apprenais à la connaître. » soupire noyé contre ses cheveux, ses mains posées au creux de son dos lui impose la frénésie de son cœur en peine.

Son sang explose ses tempes et ses cris, violents, secouent l'air. A bout de souffle, à bout de nerf, elle vit un réveil assommant, regrettant ces dernières heures de fête dévastatrice. La tête à l'envers, le cœur déboussolé, il lui est si compliqué de voir clair, de se retenir. D'une honnêteté maladive, ses mots ne connaissent plus de barrières. Et peut-être que c'est le moment qu'ils ont tous les deux attendu, en secret, depuis des années. Un face à face qui les briserait pour se reconstruire. Reset. Un renouveau dont leurs âmes insolentes ont tant besoin. Aucun regret ne vient faire d'ombre à son expression fermée, prête à en rajouter s'il l'attaque, la brise. Pour la première fois, elle domine, elle a le contrôle de cette situation qui leur échappe pourtant. Et si son corps surplombe le sien, sa colère est plus grande, plus vive. La divine souhaite le voir fléchir, tomber à ses pieds comme elle a pu le faire de nombreuses fois, peinant toujours à se relever. C'est fou, d'en arriver à vouloir le détester à ce point, sans jamais y arriver. Le venin n'est qu'illusion mais la blessure elle, est réelle. Le corps parsemé de cicatrices invisibles, Suji serre les poings quand il daigne enfin poser ses éclairs devenus nuages sur son cœur en miettes. Et il approche son visage sans crainte alors qu'elle est prête à mordre son âme. Le russe trouve refuge contre sa tempe et le myocarde sursaute, surpris d'une réaction dégueulant de douceur. Les effluves de vodka ingurgitée influencent toujours sa vue et ses mouvements mais ses sentiments eux, sont authentiques. L'enfant écoute, attentive, et vient le regret. Elle se fait avoir, elle le sait. Sa gorge sèche se noue et elle se retient, de toutes ses forces. L'énergie l'abandonne, l'émotion la dévore ; des perles viennent couler le long de ses joues rougies par le froid. Si faible. Si amoureuse. « Je te déteste. » mensonge, lamentation d'une vie en peine. Elle le déteste d'avoir raison. Elle le déteste pour ce manque constant. Elle le déteste pour ce qu'il était et ce qu'il est. Elle se déteste pour l'aimer autant. Ses mains viennent s'échouer dans son dos et elles le serrent dans l'espoir de ne jamais avoir à le lâcher.

et il se dandine sur ses jambes, l'enfant-soleil mué en enfant-plaie, incapable de trouver les mots et les gestes assez justes ; perdu dans la contemplation d'un spectacle baigné par les pleurs d'une lune bleue nuit. conscient qu'on lui reproche des choses qui le dépassent ; incapable pourtant de comprendre la teneur du poison qu'ils déversent tous sur sa personne. gamin perdu dans les méandres d'un enfer nouveau, si coupable de ce dont il ignore. il baisse les yeux sur leurs chaussures en brèves secondes pensives : il aimerait h u r l e r. hurler son mal-être et ses remords d'assister à la scène dont il est pourtant le premier rôle sans en avoir la moindre once de conscience. alors il aimerait tant retrouver de cette rage enflammée, de cette rancœur aux hurlevents qui animait ses pupilles et lui confiait la force de l'affronter sans faiblir. il soupire, remonte ses deux mains sur ses joues trop rouges ; suji et ses joues trop chaudes pour un cœur de glace. quelques gestes malhabiles des pouces dans l'espoir vain de chasser les larmes fuyardes, il dessine les courbes de sa peau dans un soupire chagriné. il n'y comprend rien, ne saisit rien  pensait jusqu'alors que tout était parfait. homme naïf qui pensait que la situation était telle qu'elle se devait de l'être : naturelle. naturellement éloignés par l'âge, sans qu'aucun manque ne se fasse ressentir et ainsi progresse le chemin des hommes. « je sais, su. j'ai cru comprendre. » non, j'en savais rien. et ça fait mal, comme une boule dans la gorge qui oppresse l'air, écartèle son palpitant. et alors même qu'elle prononce ces mots acerbes, il se plaît à la bercer dans ses bras, affrontant les risques de la blesser un peu plus. il embrase ses cheveux, descend ses mains avec lenteur sur la chute de ses reins jusqu'à ses cuisses qu'il empoigne dans le but de soulever la jeune femme. bloquant ses jambes autour de sa propre taille, ciblant son front de ses baisers réparateurs. « mais je ne comprends toujours pas pourquoi. » initiant à nouveau les premiers pas vers leur logement, prêt à se brûler les doigts d'actes trop téméraires envers cette poupée qui semble l'accabler de tous les crimes. mais il n'y a que les fireman qu'on incendie pas lorsqu'ils jouent avec le feu.

L'explosion de perles salées abîme ses joues, atteint son cou, inonde son cœur. Suji devient ouragan et ses émotions dévastatrices. L'âme broyée par ces larmes qui rêvaient de couler, elle trouve la libération dans son abdication. L'étreinte, berceuse de nouvelles illusions, la réchauffe et la comble. Il est si facile de panser ses blessures invisibles, mais tout aussi facile de les rouvrir. Aleksei est la plaie et le pansement. Une cicatrice qui ne s'atténuera jamais, une ecchymose qui restera violette. Et ses doigts entourent son visage, le prend en coupe, l'entourloupe. Il dégage les signes de tristesse, chasse ses peines en un revers et elle l'admire, le regard mouillé. Le bourreau devient le divin. Syndrome d'un amour trop fort, trop pur. Preuve d'une stupidité trop grande, trop dure. Ses mains toujours dans son dos, elle les laisse glisser sur ses hanches pendant qu'il la regarde, la scrute l'expression torturée. La gamine veut crier la fausseté de ses mots mais elle n'ose ajouter quelque chose, de peur de se dévoiler, incertaine d'arriver à cacher encore longtemps cette attirance poison la langue déliée par l'alcool qui filtre son sang. Les mains du russe, presque baladeuses, agrippent ses cuisses pour la soulever dans les airs et la prendre un peu plus contre lui, l'encourageant à s'accrocher. Et elle vient se coller, se laisse envouter. Les bras de l'enfant trouve leur place autour de son cou où son nez se niche pour respirer le parfum de sa peau dorée. Elle est bien Suji, jusqu'à ce que les lèvres de l'étudiant retrouve son front et y déposent de légers baisers. Des électrochocs qui s'entrechoquent sur son épiderme, la réveille. Yeux fermés, elle laisse ses autres sens en éveille pour profiter de la magie de l'instant, se délectant de la pression de ses lippes contre elle. Tout est devenu si doux alors qu'ils n'ont été que violence toute la soirée. Les jambes d'Aleksei s'élancent sans la lâcher, et il se questionne, demande l'origine de cette haine apparente. Elle rouvre ses paupières et lève le menton vers lui, plantant ses orbes dans les siennes « Tu ne comprends pas parce que tu ne veux pas voir. » déclaration à demi-mot, cri de son amour perdu. Leur visage, si proche, leurs souffles se mêlent et s'unissent, à défaut de se confondre dans un baiser tant désiré. Elle surprend son propre regard s'échouer sur sa bouche, la dessiner comme elle a déjà pu le faire en secret de trop nombreuses fois. L'envie la frappe, la raison la quitte et elle s'approche dangereusement de l'objet de tous ses désirs. Avant que ses lippes ne viennent s'écraser sur sa joue, rattraper par l'impossibilité d'espérer connaître le goût de ses babines. « Ne pars pas. Aide moi à rattraper le temps que l'on a perdu. » un supplice susurrait contre sa peau alors qu'elle écrase son visage contre ses traits, serrant un peu plus ses bras autour de lui pour approfondir leur étreinte.

situation abjecte de palpitants incompris ; l'une désire un cœur-à-cœur tandis que l'autre se complaît de son cœur à la dérive. de son organe si aisément offert à toutes, de son âme qui n'appartient qu'à une seule, mais cette unique est si nombreuse. pas la b o n n e pourtant. la naïveté aveugle ses sens lorsqu'elle se couple à la bonne conscience, et jamais ses yeux ne se posent sur suji de cette façon si intense, si douce, qu'il réserve à eden. jamais ses mains ne se perdent sur ces hanches sculptées, jamais ses baisers n'effleurent son cou gracile ; il s'en suffit. incapable de saisir les reproches que tant de gens déversent avec véhémence sur sa personne ; garçon perdu. homme sensible dont, pourtant, les réponses s'imposent peu à peu, pas à pas, souffle à souffle, lèvres à lèvres. l'épiderme pris d'un frisson inexorable, l'angoisse qui cavale en solitaire à même son corps et redresse les poils à son passage. « qu'est-ce que tu fais suji... » aleksei empoigne un peu plus fermement ses cuisses, y enfonce ses ongles courts dans l'unique souhait de ramener l'enfant à la raison ; ses lippes se meuvent trop près des siennes sous les mots qu'il souffle sans oxygène. trop doux pour la brusquer, trop tendre pour hausser le ton, trop amoureux pour l'accepter. soupire miséricorde lorsqu'elle prend d'assaut sa joue, les paupières alors closes d'un soulagement bénéfique ; idiot, il met ça sur le compte de la boisson. l'une de ses mains se hisse jusqu'à la nuque de la protégée qu'il masse avec lenteur mais le souffle se fait laborieux : loin d'être aussi athlétique qu'il le voudrait, chaque pas le rapprochant du domicile l'épuise et le corps presque mort de la femme pèse entre ses bras protecteur. « je... je vais essayer suji. mais tu sais, on n'a plus quinze ans... et il est temps qu'on fasse nos vies, qu'on prenne nos propres chemins. le mien est peut-être avec elle. » l'ébauche d'un sourire, le soleil s'éclipse pour que la lune ne vive. jamais le russe ne s'était senti si confiant, si homme, si désiré et désirable qu'auprès de l'enfer personnifié et, pour elle, est prêt au plus lourd des sacrifices. mais pourtant jamais ses lèvres qui remontent à nouveau ne cessent d'imprimer la tendresse sur le front de la poupée imbibée : réveille-toi, ouvres les yeux, pardonne moi, oublie moi. « on arrive. t'as besoin de dormir. »

Une hésitation qui aurait pu aller trop loin, un baiser qui aurait eu l'effet d'une claque. Elle ne peut pas Suji, elle le sait malgré son cerveau déconnecté. Mais elle le veut Suji, diantre qu'elle le veut. Aussi loin que ses souvenirs l'emmènent, elle se rappelle n'avoir toujours eu qu'un cœur pour lui; lui et son sourire, lui et sa maladie. Maladie d'amour, amoureux de toutes, sincèrement, profondément. Et bien que son regard ne s'attarde jamais sur elle, elle se délecte de chaque contact, chaque plaie infligée. Nymphe dont les battements du palpitant sont liés aux siens depuis trop longtemps. Et elle se meurt en silence, sentant ses ongles s'enfoncer dans son pantalon, dérangé par leur proximité trop fine, assailli de questions auxquelles il n'aura jamais de réponses. L'enfant se laisse porter par la force de son amour impossible, albatros de ce torrent qui noie ses joues malgré les baisers réparateurs qui lui sont offerts. Si son chemin est parallèle au sien, aura-t-elle la force de l'emprunter ? Elle ne sait pas, elle ne sait plus. Ses pieds retrouvent le sol mouvant et elle se détourne de lui pour trouver sa clé, non sans difficulté. Un soupir, un râle, et elle sort l'objet. Habituée à la route jusqu'à leur appartement, elle le fait, les yeux fermés sur le reste. Elle s'enferme mentalement dans cette bulle qu'elle s'est créée à l'instant. La porte s'ouvre et ses genoux rencontrent un premier meuble « Putain ! » un juron, une insulte pour le meuble devenu bourreau. Son manteau est jeté sur le canapé et sa tête se retrouve dans le frigo, où sa main tremblante trouve un remède. Une bouteille de soju gardée en cas de peine sèche. Prête à se noyer un peu plus, à mourir en cette nuit douce. Le goulot atteint ses lèvres et elle boit, frénétique, avare de l'oubli qu'elle veut connaître. Et la gamine refuse qu'il l'approche, qu'il la touche encore. « Bon allez, bonne nuit, bonjour à Eden. » qu'elle dit sans un regard, sans un geste alors que son corps se mouve jusqu'à sa chambre, bouteille contre sa poitrine ouverte. Qu'il la laisse, qu'il l'abandonne, qu'ils ne soient plus.

son dos se heurte maladroitement au mur du couloir alors que ses yeux, eux, ne la quittent jamais réellement. l'inquiétude ronge son sang en ébullition, lequel hurle ses craintes en gonflant les veines de ses bras, sa carotide. ses dents malmènent d'une sourde violence la lippe déjà égratignée avant que sa langue ne cherche à en réparer les dégâts : va-t-elle enfin ouvrir cette porte ? sa tête bascule vers l'arrière et ses mèches effleurent trop bas sa nuque alors qu'il échappe un soupire frustré, meurt d'envie de piétiner sur place et chercher lui-même les clés. hors, il craint de s'approcher un peu plus d'elle désormais. suji, si belle et charmeuse, si douce et désireuse, si peu sobre, si dangereuse. la porte ouverte, le russe ne manque pas de presser le pas, retire à la hâte sa veste, étire ses muscles endoloris, s'affaire en cuisine ; loin de toute attention pour son amie. simulation craintive. et pourtant, il l'a vue, il l'a regardée pour la première fois depuis bien longtemps. le palpitant se gonfle encore, boomerang d'émotions qui se refusent à laisser ses pensées en toute quiétée ; il redoute que les battements fous ne lui parviennent alors qu'ils simulent le galop de chevaux fous. elle part, comme un obstacle que l'on élude ; il reste, ses mains s'activent à la préparation de deux thés. « putain ! » et puis, enfin, tout explose, il implose, ils s'opposent. Overdose d'ecchymoses bien moroses. quelle névrose. aleksei aurait voulu être capable de l'abandonner à son sort, mais le gamin ne peut pas, pas elle, pas maintenant. les deux tasses fumantes en main, il gagne la chambre de suji et s'assoit au bord du lit, troquant le thé alors posé sur la table de chevet contre la bouteille de soju qu'il lui retire. « arrête de boire, ma su. tu vas être malade demain... » la bouteille trône au sol désormais. il enroule son bras libre autour de la taille de la belle pour la ramener contre son corps, nichant son menton sur ses cheveux sales et ébouriffés. « t'as besoin de quelque chose avant que je m'en aille ? putain que j'aime pas te voir dans cet état. il était où, ton abruti de mec ? pourquoi il était pas foutu d'être avec toi... enfin, j'ai rien contre lui, mais il aurait du rester avec toi vu ton état ma belle. » alekseï fils de d'andrei, garçon si patriarcal, si masculin, si dominant ; les femmes en saint graal, en bijoux sur piédestal, mais l'homme aux commandes et les décisions à prendre. éducation qu'il reporte sur bien trop de personnes.

Le cœur noyé, l’âme broyée, elle se laisse tomber dans ses draps mal rangés. Suji s’en va avant de le voir passer la porte, avant de le voir partir. Elle ne veut pas se demander quand il reviendra, ni quand il la regardera à nouveau. Perdue dans l’incertitude, transformée par l’amertume, elle aimerait réagir la gamine. Gonfler ses joues, remonter ses épaules, et lui  dire je t’emmerde avant de lui susurrer j e t ’ a i m e. Un combat sans fin dont l’esprit de la nymphe devient le champ de bataille. Mais elle se dit que peu importe ô combien elle crie, il ne l’entendra pas ; abasourdi par une naïveté, une stupidité qui lui est propre. Garçon aux œillères, homme trop fier. L’étudiante grogne contre son oreiller, cherchant à l’aveugle la bouteille déposée sur sa table de chevet mais ses doigts se brûlent contre une tasse, l’obligeant à se rétracter. On l’attrape par la taille, tente de la ramener à la vie. Mais elle se meurt la gamine quand elle le sent à nouveau contre sa peau. « Je suis déjà malade. » des mots chuchotés, presque inaudibles, la gorge serrée par les larmes. Un remède introuvable, des symptômes trop nombreux, trop avancés. Le cœur bat à la chamade, remonte dans sa trachée, et bientôt elle vomira ses sentiments trop puissants. « Je veux que tu t'en ailles, maintenant. » elle se bouge, s'écarte du soleil, ne veut plus sentir sa chaleur réconfortante. Son corps s'étend dans le lit, se cache sous la couette et elle lui tourne le dos, fuyarde. Pas un merci, pas un au revoir, et pourtant le cœur qui crie; reste.

scénario de film romantique aux scènes si stéréotypées et à la fois si maladroitement menées. les mains des protagonistes tremblent et le texte est incertain, les mots s'entrechoquent sous la réalisation bancale d'un scénariste inexpérimenté. et du même spectacle qu'ils offrent, aleksei réprime ses envies de rires. ces éclats si joyeux dont la place est prohibée en ces lieux, en cet instant. et en tous les cas, ils n'en auraient été légers, bien au contraire chargés d'animosité, et d’anxiété. l'effusion d'un timbre de cristal, si pur mais si rauque, en appel à l'aide. ses doigts se mêlent dans ses cheveux, son menton sur son crâne et son palpitant pulse son tocsin contre l'épiderme de suji. qu'est-ce que tu me fais ? pourquoi tu réagis comme ça, pourquoi maintenant ? « t'aurais dû te couvrir davantage. » l'innocence venimeuse et mortelle, serpent qui glisse et plante ses crocs à même le sein de la belle dans l'espoir inconscient de perforer son cœur un peu plus ; un peu mieux. suji s'écarte, il soupire. les choses s'enchaînent, trop vite et sans doute trop mal. il abandonne son propre thé qu'il n'a pas touché, remonte la couverture sur le corps de sa colocataire ; ses gestes ne tremblent plus. « je m'en vais alors. dors bien suji, et si t'as besoin de quelqu'un demain... » l'aveugle, le sourd et l'homme au cœur muet. il cherche ses mots mais les mots ne le trouvent, alors il recule, pris d'une peur soudaine et dévorante. la crainte de savoir, d'en avoir toutes les certitudes et ne jamais douter le moindre instant, qu'il allait s'échapper. « si tu as besoin, tu sais très bien qu'ici, c'est aussi chez sunhi, alors n'hésite pas. » alors il laisse derrière lui ces senteurs d'alcool et, sans le savoir, les effluves d'un cœur en pleurs.