Time heals all wounds, but not really. Il y avait de ces blessures qui restaient malgré le temps qui passait, malgré les saisons qui s’enchainaient à toute vitesse. Chaque jour ressemblant au précédent, ponctué par cette sourde douleur qui pesait constamment, semant son poison à chaque moment heureux, jusqu’à corrompre les sourires, à tuer l’éclat brillant du regard. Et la vie continuait d’avancer, malgré cette impression de faire du sur-place, que la vie s’était arrêtée à ce moment-là. Tu avais été surprise d’apprendre la chute des Seo. Ils avaient toujours été une entité immuable dans ton esprit juvénile, brandissant leur renommée comme une lance et leur fortune comme une armure indestructible. Ils avaient mis un frein à ta carrière dès que ton ouïe avait commencée à poser problème, te jetant une fois ton utilité dépassée, t’enfonçant un peu plus dans cet enfer qu’était devenu ta condition. Mais tes premières pensées n’avaient pas été de vengeance, non, elles s’étaient tout de suite dirigées vers ce jeune homme, l’enfant Seo. Ainé, pianiste, partenaire… premier amour. Comment l’oublier celui avec qui tu passais tes journées, tes soirées, seul support sous les projecteurs alors que tu te mettais à nue, racontant une histoire sur les cordes frémissantes de ton violon. Tes plus beaux souvenirs, tu te rappelles encore de l’adrénaline qui parcourt tes veines, de l’attente derrière les rideaux, tes mains tremblantes d’anticipation et le calme paisible qui s’installe dès la première note jouée, princesse éphémère, acclamée sur la scène. Et la mélancolie qui s’installe alors que tu comprends trop bien que ce rêve n’est plus, que la réalité t’as forcée à te réveiller laissant un arrière-gout d’amertume sur tes lippes de poupée. Il faut te divertir, te changer les idées. Il y a un million de possibilités, mais aucune qui ne t’attire, aucune qui t’intrigue, rien que l’indifférence ; que la nostalgie de ta réputation passée. Mais tu te forces tout de même à bouger, à faire mouver cette coquille vide qui te sert maintenant de corps. Tes prunelles qui parcourent l’écran illuminé, ton esprit accumulant les informations sur ces dernières années, sur sa vie à lui. Ce n’est que lorsque le ciel se teint de noir que tu trouves l’information que tu cherchais. En moins de deux tu es dehors, mouvée par ce besoin de le voir, ce besoin revivre tes plus beaux moments à ses côtés, même si ce ne sont que des délusions ; illusions créées par ta détresse. Tes souliers s’enfoncent dans le sable, te font trébucher, jusqu’à ce que tu les retires avec hâte. Les cheveux au vent et le goût particulier de l’océan salé qui s’étend sur tes lèvres, une certaine sérénité qui s’empare de toi lorsque tu vois la lune se refléter glorieusement dans les vagues, vision éthérée qui te coupe le souffle et t’apaise à chaque fois. Mais ce soir, c’est cette silhouette assise seule qui attire ton regard, parce que tu sais que c’est lui. « Kyuwon oppa ! » Ta voix s’élève invisible à ton ouïe, trop faible pour parcourir la distance. Elle se fait engouffrer par une rafale et le monde se fige dans son indifférence envers toi. Trop petite, trop faible pour compter, pour que ta voix se fasse entendre. It’s like you’re screaming but no one can hear. « KYUWON OPPA !!! » La certitude de son identité s’envole aussitôt les mots prononcés, et si ce n’était pas lui ? Si c’était quelqu’un d’autre ? S’il ne se souvenait pas de toi ? Si… S’il ne voulait pas te revoir au final ? Si votre relation s’était rompue, non pas dû aux circonstances, mais consciemment ? Le doute qui t’enserre le cœur, qui t’immobilise sur place, visage caché par ta chevelure, chaussure aux mains.