forget the past (haneul)

Le corps de la danseuse atteint son point de non-retour et tombe sous l’effort continuel qu’on lui demande. Sun Hi se laisse tomber sur son canapé, épuisé par ses journées qui s’accumulent et se ressemblent. Ses doigts fins se perdent dans sa chevelure aussi sombre que le jais et un soupire s’échappe de ses lèvres. Il est loin le temps où elle vivait librement sans sentir le poids de la vie sur ses épaules frêles. L’avenir incertain qui se dépeint sous ses yeux l’effraie, et elle cherche constamment à un moyen de l’améliorer et de le rendre sûr. Hope, sa petite boule de poil, s’étale de tout son long à ses côtés, apaisant la gamine grâce à son ronronnement constant. Ses paupières s’abaissent, l’obscurité l’engloutit et ses songes deviennent plus précis. Le rêve a cette facilité déconcertante à se transformer en cauchemar au moindre indice qui lui laisse la possibilité de faire sombrer l’individu dans ses souvenirs les plus sombres. La peur fait palpiter son cœur, et elle court afin de fuir ce qui la tétanise. Elle souhaite se réveiller, elle souhaite s’échapper de cet enfer qui est le sien et au lieu de s’élever, elle tombe indéfiniment dans ses souvenirs qui sont siens et qu’elle souhaiterait à tout jamais effacer de sa mémoire. La poupée se réveille brusquement, envoyant valdinguer toutes ces choses insignifiantes qui se trouvaient sur elle avant qu’elle s’assoupisse. Son myocarde bat à tout rompre dans sa cage thoracique, la sueur perle sur son front et le cauchemar qu’elle vient de vivre est encore bien présent dans son esprit. La sonnette de son appartement retentit faisant sursauter la coréenne qui était toujours perdu dans un monde qui lui appartient. Le bruit strident se répète une seconde fois, la faisant cette fois-ci se lever. Elle s’avance vers la porte d’un pas incertain et l’ouvre à moitié. Son regard se pose sur l’homme qui se trouve devant elle. Ses traits lui semblent familiers et instinctivement ses sourcils se froncent. « Bonjour, je peux vous aider ? » Demande-t-elle d’une voix peu assurée. La journée qu’elle pensait terminé, prend une tournure dont elle se serait bien passée.

il y a le temps qui s’écoule ; le jour succède au jour et glisse sans laisser de trace. mais le souvenir garde sa place et dans l’âme rien ne l’efface. les années ont beau s’accumuler, il reste, s’affadit, s’embellit. mais réside immuablement. parfois, il arrive qu’une chose, qu’un aléa de la vie, qu’une personne, entaille cette plaie qui n’a pas suffisamment cicatrisé. aujourd’hui, haneul en prend la responsabilité ; il est le couteau aiguisé qui va la transpercer. sun hi. un prénom qu'il va poignarder par la noirceur de sa doléance.

il regarde pour la dernière fois le soleil s’éloigner avant d’abandonner la carcasse rouillée de sa vieille auto. d'un pas terriblement lent il bat le pavé, son esprit toujours en train de faire marche en arrière pour arriver au sommet de ses pensées. comment obtenir une réponse positive ? quels mots utiliser dans ce genre de situation ? haneul a peur, il hésite, c’est toujours rude d’avancer en aveugle sur une terre inconnue, sur une terre minée par la tristesse et le désespoir d'un funèbre souvenir ; chagrin d'une vie. il allait être le visage qui lui rappellerait son sort inique et cruel. mais il se doit d'être courageux, sinon qui le sera ?

dans un souffle chaud, logé dans son long imperméable, transparaît l’amère pâleur du temps rendu bruineux. il avance à travers ce paysage froid qui lui somme de reculer ; à chaque centimètre parcouru son pied se meut un peu plus sous le poids de sa lourde tâche, comme des fers portés ; traduction écrasante d'une haute responsabilité. puis, la porte : point de non-retour. il frappe.

un.
deux.
trois.
elle s'ouvre.
elle ouvre le néant dans son esprit.

dans l’encadrement clair de la grande porte ouverte, elle apparait forte, les lèvres rosées, les sourcils froncés. et lui, debout, le buste droit, la poitrine gonflée, trop occupé par l'ajustement de l'esprit, il n'entend rien. il n'y a que ce sourire amer et triste qui se dessine. premier soupire. il revient à lui. « bonjour. inspecteur moon. » second souffle. il prend cet air tristement sérieux. « j'espère que je ne vous dérange pas ? je viens vous informer de la réouverture de l’enquête danggam impliquant la mort de vos parents. Le suspect a été arrêté. dans le cadre de cette l'enquête, vous êtes invité à comparaître devant les tribunaux en tant que témoin... » sa voix s'éteint face au teint blême de la jeune femme.