your words are shaking me, giving me whiplash we're on a trampoline and soon we're gonna crash
Mars, 15. C'est un petit rien. Comme l'accro sur les mailles d'un pull, le pas de travers qui trahit l'équilibre. Il y a les rires qui s'élèvent et se mêlent et se font échos, secondes d'éternité où le bonheur semble voué à ne jamais péricliter— Et l'instant fugace où tout se fracasse.
Mon tel meuuurt, il est où ton chargeur ? J'te le pique, j'ai oublié le mien. Hiro qui rechigne à la laisser s'extirper du fort de couettes qu'il a consenti à bâtir avec elle, qui la fait captive de ses bras et l'envoûte des baisers qu'il appose au creux de son cou. Sana qui cède plus qu'aisément, captive volontaire de son contact troublant. Puis leur temple éphémère qui s'effondre à moitié lorsqu'elle lui échappe sans crier gare, rappelée à l'ordre par l'ultime cri d'une batterie qu'elle ne peut se résoudre à laisser sombrer dans l'agonie. Je fais vite, elle certifie contre ses lèvres qu'elle peine à quitter même quelques secondes, à peine préoccupée par la série qui comble l'espace en fond sonore. T'embête pas à mettre pause pour moi non, j'ai arrêté de suivre depuis tellement longtemps, elle lance par-dessus son épaule en naviguant à travers la pénombre de l'appart et les carcasses de snacks semés tout autour d'eux. Muscle memory : le parcours est un jeu d'enfant, familier depuis un moment. Elle baigne quand même la pièce de lumière pour y dénicher plus aisément l'objet de sa quête, prête à peine attention aux draps restés en vrac à la surface du lit. C'est lorsqu'elle pivote sur ses talons que ça la frappe : les traces sur l'oreiller.
Hiro ?? Silence buté lorsqu'il lui répond ; Sana ne pipe mot jusqu'à ce qu'il la rejoigne, et le réceptionne de l'oreiller incriminant dans l'estomac aussitôt qu'il franchit la porte. Qu'est-ce que t'as foutu ? Mais elle n'est pas furieuse, Nana— elle est absolument hilare. Ne me sors surtout pas que c'est "pas ce que je crois", j'suis pas du tout inquiète idiot. Parce qu'elle s'attend à un récit anecdotique ; ne doute pas de lui un instant, en dépit du gloss féminin qui macule le tissu. Il y a quelque chose d'extraordinaire à pouvoir décliner la notion de confiance à l'infini, et elle le doit à l'honnêteté inégalable de son petit-ami. Sans savoir qu'il sera sa perte. C'est l'affaire de trois pas de la trotteuse sur son cadran : Tiens, tu m'as jamais dit qui tu avais eu. Avant moi, je veux dire. (Pandore ouvre la boîte d'une main joueuse, mais les secrets qu'elle contient ont des dents) Et Nana, elle ne voit pas le mal à aborder le thème des sentiments éprouvés par le passé. Hiro est son avenir, quel mal à un brin de curiosité ? (Cette même curiosité qui, selon l'expression, tua le chat)
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Mars, 15. Réponse banale— simple cliente, les pièces du puzzle se placent d'elles-mêmes avec aisance. Mais il y a quelque chose qui rugit au creux de la poitrine de Nana, quelque chose de possessif et d'outrageusement satisfait, la certitude d'être la seule à compter et de le vouloir pour longtemps encore (pour l'éternité)
How convenient, elle lève les yeux au ciel, J'espère pour elle qu'elle ne se faisait pas d'idées. Elle le ronronne tel un chat comblé, embraye sur une interrogation qui semble innocente, mais qui sonne le glas d'un aveu auquel elle ne s'attendait pas.
Y'a son sourire qui vacille mais qui tient bon, le pli qui se dessine entre ses sourcils incertains, les paupières qui papillonnent, le choc qui se distille dans les veines tel un poison. Pardon ? Elle s'esclaffe un peu, pour l'illusion, pour s'assurer en silence que sans doute aucun, c'est un malentendu. Ou du moins elle tente— mais c'est éphémère comme le souffle qu'on expie brutalement après avoir été cueilli par un coup de poing. Attends— j'ai dû mal comprendre. "Levi" quoi ? Ça n'a pas de sens ; ou son esprit soudain fiévreux du sang qui bout dans ses artères refuse d'assimiler les mots, de les assembler, de les valider.
Il y a tant à encaisser Trop Il n'a jamais dit je t'aime, Hiro Et elle était si certaine qu'il n'était pas de ces gens-là de ceux qui portent leurs sentiments tatoués sur les lèvres, étendard de vérité que rien ne saurait les empêcher d'exprimer (elle avait espéré ; sinon, comment expliquer qu'il ne le lui ait jamais à elle ?) Je— je comprends pas, elle avoue, prise de court (bouleversée ? non. confuse ? un peu de ça et de trop d'autres chose, brouillamini d'émotions qu'elle ne saurait nommer. ça pulse juste dans le myocarde de la plus désagréable façon, ça noue le ventre, la gorge, ça fait des bleus au cœur) Tu aimais Levi ? Notre Levi ? Celui qui nous a présentés ? C'est sûrement... un rien du tout. Une plaisanterie de mauvais goût.
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Mars, 15. Ses mains enclavées entre celles de Hiro vivent l’agonie d’oiseaux en cage, là où le toucher rassurant l’émerveillait encore à l’instant. Parce qu’il jette sa propre ombre sur leur lumière, annihile leur équilibre comme une éclipse engloutit les rayons. Tapisse sa vie de paillettes de bonheur, puis les souffle d’une bourrasque indomptable qui déforme l’écho de leurs rires, leurs souvenirs.
Elle songe à Levi, omniprésent De l’instant des présentations, piqué de sourires rassurants et de complicité, à leurs réminiscences de couple, criblées de mentions de lui. Levi, constamment en marge, non en rature mais en note qui rassure. Ancré juste là, dans ses pensées à elle, soutien incommensurable, ami-repère. Et profondément tatoué là dans ses yeux à lui, à même le coeur aussi, érigé en rival quoi qu’elle l’apprenne à retardement.
Présent, passé, qu’importe. Levi est de ces constantes contre lesquelles elle ne se sent pas l’étoffe de l’emporter. Parce qu’elle tient à lui au-delà des mots et qu’Hiro, elle attend encore de l’entendre confesser à son égard à elle une passion aussi forte que celle, assumée et pérenne, qu’il avoue avoir éprouvée pour Levi. Il y a quelque chose de tragique, dans le fait de craindre de se retrouver au tapis après avoir lutté ; de courir le risque de se découvrir terrassée par un adversaire qui n’a pas même tenté. Puisqu’il ajoute : C'était... c'était juste comme ça. // un amour à sens unique et puis basta. Well, visiblement pas. Puisque Levi, il laisse sur son sillage une trace indélébile, et qu’aucun autre nom ne s’ajoute à sa suite, ni ne s’inscrit avant lui. Il n’est pas rien, Levi, il est t o u t. Le rien c’est elle, c’est eux deux, amants en naufrage, à hisser très haut la voile d’un navire dont la cale prend déjà l’eau. Les secondes s’égrainent et ses lèvres restent scellées, mais Hiro ne semble toujours pas songer à déclarer l’aimer.
Et dans la tempête d’incertitudes qui la ballote, se dessine le doute comme un monstre menaçant. Calé sous ses paupières pour la glacer à chaque inspiration, distillé dans ses veines comme un poison. Il est son pire ennemi, vraiment ; lui qui la consume inévitablement. Or quand il l'étreint, Nana, elle prostitue l’amour comme d’autres offrent leur corps : en claquant les wons salement sur des airs d’angoisse, avec aux lèvres des mots tendres que fausse l’accent du désespoir latent. Le doute, c’est sa kryptonite, ennemie de la sacro-sainte confiance supposée cimenter toute relation, némésis de la cohésion qu’ils avaient tissée avec le temps.
Soit. L’attente s’étire en tourmente, l’âme à l’agonie elle piétine les espoirs. Les mots espérés ne seront visiblement pas pour ce soir.
Sur sa langue, une âcreté biliaire tandis qu’elle force un brouillon de sourire. Mais ses cils restent brodés d’une compassion tangible et : Ça a dû faire si mal, elle exhale au terme d’une profonde inspiration. Poumons gonflés de cendre. Oh, ça fait mal. Et pourtant elle veut penser à lui, lui qui confesse des sentiments bafoués quitte à broyer les siens du pied, dans la foulée. Et du bout des doigts, Sana effleure ses phalanges crispées en une ébauche de réconfort, volonté d’apaisement. Les amours indésirables, elle sait ce que c’est. Je suis là, maintenant, elle offre, s’offre pleinement, de corps de coeur et d’âme quoi qu’elle ne sache plus vraiment, à présent, s’il lui en accorde autant.
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Mars, 28. Ça se craquèle dans tous les sens, fissures subtiles que chaque heure creuse un peu plus, que chaque regard fuyant allonge à l'infini. Il y a tout qui fuit, tout qui leur échappe. Les émotions qui débordent des failles et l'engouement des premiers jours, des premiers mois, qui se disperse et se perd ; bulles de champagne pétillant un temps jusqu'à s'évanouir à la surface, éphémères brisés sur les rouages du temps. Et il y a Nana qui, de ses paumes maladroites, colmate, prétend ne pas (sa)voir que ça lui coule entre les doigts, à présent que les doutes font loi. Et il y a Hiro crevé, cassé. Par les cours sans doute, la pression, mais aussi par ses attentions— elle suppose. Ose s'avouer, du moins, lorsqu'elle se tord les phalanges en voyant s'assombrir ses prunelles à chaque fois qu'il contemple un énième cadeau qu'elle lui a voué.
Subtile, la première offrande ; mais flagrante, la dixième posée sur l'autel de leurs échecs. Elles se veulent apaisantes, s'avèrent seulement pesantes, Ça, c'est eux deux, en items, couple fauché sans crier gare, plomb dans l'aile et c'est ça qui se fracasse : tout ce qu'ils sont ensemble, peu importe la façon dont il faut le comprendre (elle ne sait plus trop, Nana. Les aurait définis comme beau quelques semaines plus tôt, mais tout rime désormais cruellement avec faux).
voice message from: mine to: bae Je finis tard ce soir, on se voit quand même? (...) t'embête pas à cuisiner mon cœur, t'as l'air tellement crevé ces jours-ci, t'es sûr que ça va? (...) on n'aura qu'à commander quelque chose, jap ou chinois, t'as envie de quoi?
Ça sonne tendre, mais le terrain sur lequel ils évoluent est, lui, de plus en plus miné. C’est partout à travers leurs aveux troublés et leurs silences chargés, le calme fatigué de Hiro et la douceur passive-agressive de Nana.
Et c’est là, crypté entre eux, quand il rentre après elle finalement, et qu’elle passe la tête à travers l’entrebâillement pour l’accueillir d’un sourire qui n’atteint pas ses yeux. Désolée pour le désordre, j’allais ranger, elle assure avec une moue navrée. J’ai fini plus tôt finalement, on a choisi de… procrastiner. Rien de tel que les nuits blanches et la deadline imminente pour booster un projet anyway. Projet d’équipe bâclé pour l’heure, mais sur lequel son perfectionnisme lui fera verser des larmes de sang à une autre occasion. J’aurais pu commander finalement, mais batterie morte et le temps que j’arrive j’ai supposé que tu l’avais fait. Ce n’est pas une nouveauté, l’agonie de son téléphone et sa manie de toujours la lâcher aux trois quarts de la journée. Tu as pris comme on a dit ? Et lorsqu’il dit chinois, Nana reste silencieuse un instant, avant de lâcher : Ok. Parce qu’il a opté pour le mauvais choix— forcément. Une part d’elle suppose qu’elle réagit injustement ; elle tente de tempérer mais déjà, la frustration se distille dans ses veines, si irrationnelle soit-elle. J’aurais préféré japonais. Sinon je ne l’aurais pas proposé en premier. Mais ok. Deux petites lettres cassantes qui s’invitent entre eux de plus en plus souvent, comme du sel sur les plaies. Mais ce soir, il rétorque d’un Merde Sana, si t'es pas contente pour la bouffe c'est la même fallait la prendre toi même, et elle serre les dents. J’aurais pu. Mais je viens de te dire que c’était trop juste pour te prévenir à temps. Tant pis j’aurais dû me douter que tu ferais le mauvais choix de toute façon. Porte qui claque derrière elle, barrière coupant court à la conversation. Elle se réfugie sous la douche, pour rincer ses cheveux tout juste lavés, encore gorgés de shampoing. Espère qu’il la rejoindra néanmoins— la porte n’est pas verrouillée. Il ne vient pas.
Lorsqu’elle émerge, noyée dans un t-shirt ample qu’elle lui a piqué, il est assoupi sur le canapé, bras posé sur ses yeux barrant à moitié ses traits détendus. Elle s’assoit à ses côtés, en équilibre sur un bout de futon ; dessine du bout de l’index l’arête de son nez, le contour de sa bouche, caresse sa pommette du dos d’un doigt avant d’enfouir ses phalanges dans ses mèches folles. Il cligne des yeux, met un instant à se recentrer, et elle l’embrasse du bout des lèvres. Attendrie. Tu t’es douché directement aux vestiaires ? J’aurais dû te rejoindre là-bas au lieu de venir directement… Pointe de nostalgie. Au tout début, ils le faisaient souvent : instants de réconfort au terme d’une victoire, ou d’un entraînement ou match éreintant (jet brûlant, ses mains sur son corps, son souffle dans son cou).
Quelqu’un frappe et elle se redresse, sourire crispé. Le livreur, elle suppose, bouge pas. Mais de l’autre côté de la porte ne se trouve rien d’autre qu’un duo un peu éméché, ayant opté pour la mauvaise entrée. Ça va aller ? Sana demande, un peu inquiète lorsque l’un d’eux titube et entraîne l’autre dans sa chute ; il est à peine l’heure des pre-games, elle n’imagine même pas l’était dans lequel ils finiront la soirée. Ça la fait rire, et d’un geste elle leur souhaite de bien s’amuser.
Tu as commandé quand ? On a le temps de s’autodigérer, au train où ils vont. C’est léger, mais le reproche est clairement imminent et, forcément : Tu vois, c’était pas contre toi. Je disais juste jap parce que le resto de l’autre fois était meilleur et que leur timing de livraison est imbattable. Je te l’ai dit cent fois. C’est « pas contre lui », mais quand même… un peu, oui.
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Mars, 28.Le problème Sana, c'est pas le jap ou le chinois. Le problème Sana, c'est moi. Vérité annonciatrice d'orage assénée sans ambages ; et elle ne peut soutenir son regard. Parce qu'il lui semble entendre en litanie assassine l'écho de ses mots et pire encore : celui de ses silences. Chacun d'eux éveille et nourrit la même peine, tracas intrinsèquement liés. Le problème, c'est que je suis un échec. Que t'as un truc à me dire depuis des jours et que t'ose pas le faire. Alors crache le morceau une bonne fois pour toute parce que...Parce que quoi ? elle proteste, cœur battant— alarmée (paniquée). Abolit finalement en deux pas la distance qui les sépare, bien que le gouffre qui les désunit demeure béant, menaçant. C'est juste une passe difficile, mais ça ne change rien au fait que je t'— et les mots de mourir sur ses lèvres tandis qu'elle s'enveloppe de ses propres bras pour se couper de lui. Geste involontaire, mais parlant : c'est pesant, de se livrer pleinement tout en sachant pertinemment que la réciproque renvoie, systématiquement, à un message d'erreur. Parce que Hiro conjugue le verbe aimer au passé, et que Levi en est apparemment l'unique sujet. À moins qu'à sans cesse ligne entre les lignes, elle ne s'embrouille elle-même. Peut-être. Que pour Hiro aimer est une évidence qui ne nécessite pas d'être exprimée. Qu'elle dramatise, troublée de l'avoir entendu en mentionner un autre. Qu'il suffirait de demander pour être tout simplement rassurée. Peut-être. Mais elle craint si fort de quémander au risque de se heurter à une cruelle déception. Elle tourne en rond. Détourne pas le sujet, j'en reviens pas que t'essayes de me faire culpabiliser pour ça. Y'a pas de message caché ou quoi, j'ai seulement dit qu'on aurait mieux fait de commander ailleurs. Et non j'ai rien d'autre à dire que ça. Pure mauvaise foi. À l'autre bout du fil, quelqu'un décroche, et tandis que Hiro se charge de réponse, Sana s'occupe les mains à récupérer ce qui traîne par-ci par-là, ébauche de rangement seulement vouée à occuper ses nerfs crispés. Qu'est-ce qu'ils ont dit ? elle questionne plus calmement lorsqu'il raccroche, arque un sourcil sceptique lorsqu'il lui annonce que le livreur "devrait arriver sous peu". Silence à couper au couteau, elle s'attelle à sortir ses devoirs et travaille en musique, écouteurs vissés aux oreilles, message clair. (Peur de l'entendre glisser à nouveau sur ce terrain piégeur : cette manie d'aborder cash les sujets fâcheux) (Elle craint les conséquences, Sana ; craint de le perdre pour de bon, tellement)
Il est presque 2h lorsque la commande arrive enfin, et elle le laisse s'en charger tout compte fait — migre dans la chambre pour ranger son ordi. S'étonne de le voir l'y rejoindre. On mange ici ? Turns out que oui, et que ça devient presque cosy, comme ils se calent l'un contre l'autre, mais qu'elle n'a étrangement plus d'appétit. Pour s'occuper les mains, elle sort son téléphone, tourne l'instant en cliché idéal pour instagram. Ce serait parfait si l'ambiance était aussi agréable sur place qu'à travers l'écran, au lieu de quoi elle se retrouve à serrer les dents. J'vais juste... rentrer, elle énonce gorge serrée. J'ai plus faim et j'ai envie de commencer ce projet tout compte fait. l'inspi de minuit ne serait pas une première, mais sa mine déconfite dénonce la piètre excuse. Pas la peine de me raccompagner, un taxi fera l'affaire. Et elle ne saurait dire si espère qu'il la retienne ou la laisse faire.
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