JAN, 07. À travers les stores, clos à demi comme l'écrin d'un secret, filtrent les lueurs crues d'un quartier en perpétuel éveil. Néons et phares projettent par intermittence leurs couleurs dansantes ; tranchent de rayons factices la pénombre de la pièce, étirent les ombres qui l'habitent tels des fantômes inconsistants. Et les sons. Basses tonitruantes d'ampli abusives, Busanjin qui pulse et qui s'use, Busanjin qui s'enivre comme chaque soir d'excès de shots et de rires enfiévrés.
Les murs en tempèrent la tempête sonore, l'assourdissent en murmures au rythme entraînant ; mais ils exhalent encore la fragrance entêtante de corps enlacés, à peine masquée par celle plus âcre de la fumée opaque que souffle Hiro à chaque inspiration. Entre ses lèvres, la pointe embrasée d'une clope. Et le long de l'échine de Nara, la course délicate d'un frisson, d'une envie — celle d'emprisonner le cylindre entre deux doigts pour le lui confisquer, et de le capturer lui d'un énième baiser. Hiro et sa saveur addictive, traitreusement attachante aussi. Hiro déjà entièrement revêtu, mais qui pourtant ne la presse pas d'en faire autant et de partir.
Ce n'est pas une routine heureusement — ils s'en lasseraient — mais l'enchaînement est familier, danse exécutée à quelques reprises déjà. Nara parcourt la pièce sous son regard scrutateur, en quête de sa tenue qu'il a semée ça et là un peu plus tôt, comme pour mieux l'égarer. Chasse au trésor dont sa mine impénitente dénonce l'aspect volontaire. Elle lui retourne un coup d'œil faussement exaspéré, Nara. Proteste : T'en as pas assez d'me compliquer la tâche à chaque fois ? Mais son attention l'attise toujours plus qu'elle ne l'agace, et elle s'applique à lui offrir le show escompté ; enfile les pièces une à une en s'attardant particulièrement sur le maillage délicat de bas résilles. L'appelle d'un index et écarte d'une main ses mèches blondes, lui laissant le soin de rattacher le soutien qu'il a eu si tôt fait de dégrafer. J'vais me prendre du japchae avec du jeon, il lance sans raison apparente, et par-dessus son épaule elle lui accorde une demi-seconde d'interrogation tacite, avant d'en retourner à sa tâche. Cool pour toi ?, elle commente sans stopper ses mouvements. Haussement d'épaule désintéressé. Libre à lui d'exposer le programme de ses errances s'il en ressent l'envie. Mais ses gestes freinent lorsqu'il ajoute : Tu viens ?
Il y a quelque chose de fictif dans cette scène ; l'esprit de Nara la découpe du réel, la mue en microcosme, comme chacune de ses interactions avec Hiro. Elle est partiellement elle-même et partiellement No Hye Jin d'une certaine façon — le plus récent de ses personnages de drama, sa plus fréquente excentricité. Hye Jin et son crush d'adolescente sur un basketteur prometteur. Hye Jin qui l'habite et déteint sur elle, décuplant le spectre de ses émotions. Hye Jin, qui rend Hiro encore plus dangereusement attirant qu'il ne l'est déjà. La jeune actrice se laisse aller contre le torse de l'amant supposé n'occuper que quelques heures de ses nuits, bascule la nuque jusqu'à ce que son image, découpée à l'envers, envahisse son champ de vision. Maintenant ? Perplexité. Touche d'amusement prévalante. Elle plisse le nez, fronce les sourcils, incertaine. Se défait de sa manie de répondre à des questions par d'autres questions, pour les troquer contre des objections le temps d'informer élégamment : Tu pues le sexe. Et elle aussi probablement. Et c'est pas super fairplay, de m'donner des envies de bouffe grasse à trois heures du matin. Nara qui prétend toujours aux autres et à elle-même qu'il lui arrive de manger pour de vrai.
Elle étire un peu le cou pour qu'il efface sa moue boudeuse en posant sa bouche sur la sienne ; il s'exécute et elle lui mord la lippe. Ok. Elle capitule sans relever que l'offre est hors cadre de leur dynamique.
Elle est encore couturée de courbatures, épiderme gravé par le passage de Hiro. Ça tire — mais agréablement, et elle en rit en cherchant son équilibre (peu importe où il s'est barré), tandis qu'ils trébuchent hors de leur parenthèse pour replonger à corps perdu dans l'euphorie de la ville ; échouent sur les tabourets en plastique rouge d'un pojangmacha. Les rebords de la tente claquent au vent, assez rigides cela dit pour y faire barrage. Du soju pour moi ajumma, elle demande, et remercie sans rien réclamer d'autre, avant de glisser à Hiro : Je piocherai dans tes plats. Menton dans la main, commissure fendues d'un sourire taquin. Il y a quelque chose de fictif, un flou cosmique entre le crush de Hye Jin et sa réalité ; mais elle ne se pose pas de question, Nara, laisse éclore les sensations sans restrictions.
JAN, 07.T'as un estomac de souris.J'ai sacrifié mon âme au sucre, elle objecte, pioche d'ailleurs une sucette dans la poche de son manteau et l'agite entre deux doigts en guise de preuve. Lui, brandit ses baguettes ornées de dangmyeon en sauce, de garniture multicolore et d'une lamelle de bœuf, la lui secoue sous le nez comme pour l'appâter. En vante les mérites d'un timbre juste assez souple pour ne pas la braquer, juste assez ferme pour qu'elle s'en morde la lippe ; tentée de lui demander s'il s'agit là d'un ordre, mi-provoc mi-suave, et s'il la récompensera si elle est sage. Ça la prend quelques secondes, et puis ça s'atténue, vapeur inversée par une autre flamme. Nara plisse les yeux, jauge l'offrande sacrifiée sur l'autel de ses caprices... opte pour croiser le fer. En garde, elle susurre, et le plastique de la gâterie nappée de colorants jusqu'à la trame croise le bois des baguettes. Lutte improvisée, chaotique et salissante, sur fond de protestation — elle qui affirme qu'il triche, muni de deux armes plus longues, et lui qui la somme de ne pas faire tomber la sacro-sainte bouchée d'un met supposé n'avoir sa pareille dans les environs. Capitule, alors, elle suggère innocemment. Curieusement, il refuse. L'altercation féroce s'achève en sauvetage in extremis, paumes de Nara jointes par réflexe en réceptacle pour sauver les nouilles d'un inévitable face à face avec la surface moite d'alcool et de graisse de la table. Elle grimace. T'en mets tout le temps partout comme ça ? Mauvaise foi criante et assumée, mais elle consent à coincer deux nouilles entre un pouce et un index, circonspecte, avant de les glisser entre ses lèvres. Met un temps excessif à avouer : C'est. Pas mal ? Et lui sert un sourire d'ange avant de s'appuyer sur les coudes, paupières à demi-closes, lèvres entrouvertes. Encore, elle réclame, mimant presque un gémissement. Requête chargée en sous-entendus sans lien aucun avec le plat qui trône entre eux. La ajumma leur lance un coup d'œil méfiant, à l'affût d'un quelconque manque de décence ; mais est bien vite happée par la clameur d'un quatuor de soulards au bord de la bagarre. Nara glousse contre sa main sur laquelle traine encore l'effluve du japchae. Intenable, Nam Hiro, elle soupire en se prétendant dépitée, avant de se recaler correctement sur son siège, jambes sagement croisées, phalanges animant sur la table des notes invisibles par force d'habitude.
C'est amusant ; d'osciller ainsi entre attraction et interprétation, à mesure qu'elle s'approprie son personnage et lui donne vie, se fait marionnette entre ses propres doigts. Amusant, de se laisser porter par un nouveau rôle ; plaisant également de constater que Hyejin lui a offert sur un plateau d'argent ce qui ne devait être au départ qu'une passade mais a finalement abouti sur une connexion prometteuse. Hiro, écrin de contradictions et de chaleur teintée de mystères. Hiro, force velours. Hiro et ses orbes sombres qui soufflent mille vérités et deux fois plus de secrets encore, mais pas un seul jugement. Elle le sent palpiter au creux de son myocarde, telle une arythmie : le crush de Hyejin éclot en Nara telle une évidence, envers lui.
Le papier craque et proteste qu'elle l'écarte pour caler la sucrerie entre deux rangées de dents blanches. Dose de sucre-énergie qui occupe toutes ses pensées avant qu'autre chose ne la supplante : son regard pétille lorsque la bouteille de soju requise est posée entre eux deux, et des verres avec elle. Elle sert Hiro, qui en fait de même pour elle : touche de tradition, incontournable symbole de camaraderie. Et elle se détourne rien qu'un peu, lui offre son profil tandis qu'elle avale le contenu du récipient en équilibre au creux de ses deux doigts joints. Pour ça elle ne proteste jamais.
JAN, 07. Chaleur dans son regard, brasier entre ses lignes. Good girl, il souffle sans crier gare. Et la belle contenance de Nara de se fracasser à ses pieds, tandis que l'incarnat vient murmurer sur sa peau de crème l'aveu de l'effet qu'il lui fait — le soupire des pensées incriminantes qui l'assaillent. Kink spotted. Nara, contradictions : carapace provoc en étendard et, quelque part dans les profondeurs de son océan, la gamine d'antan qui frémit pour peu qu'on pointe du doigt quelque chose qui la rende vulnérable.
(Elle s'est promis, Nara, de ne plus laisser les autres l'impacter autant ; mais on ne se refait pas, pas aussi foncièrement, même quand on a goûté à l'âcreté des déceptions. Et d'une curieuse façon, l'approbation a toujours eu sur elle l'effet d'un catalyseur.)
Verre coincé entre deux doigts, elle noie le phénomène dans les flots translucides du spiritueux âpre-doux, gorgée corrosive. Pas encore assez à l'aise avec lui pour assumer cette victoire concédée ; elle en croise presque les doigts sous la table, d'espoir qu'il passe à côté de la faille ou qu'il n'en abuse pas s'il l'a perçue. Mais il a quelque chose de rassurant. Taillé dans le marbres de ces gars bons mais pas trop, l'équilibre rare et précieux entre caring et daring. Hiro, il a le goût des crushs qui incendient les veines sans crier gare, qui frappent comme un car crash et livrent l'âme au chaos, le temps de s'y brûler les ailes. Et elle ne sait pas, Nara, combien de temps c'est voué à durer avant que les braises ne s'éteignent, mais ça lui plait. De se consumer à des atouts qui pour une fois, n'ont pas l'arrière-goût du fléau et de la destruction.
Dis Nara, il entame. Nara, elle répond. Il cligne des yeux. Elle rigole. T'as dit de dire : Nara. Alors voilà. Y'a sa mâchoire acérée qui se crispe sur un sourire, elle résiste à l'envie de se couper les doigt sur ses angles tranchants. Et si on essayait ça? Toi et moi. Et le rictus amusé qu'elle lui retournait s'éteint. Incertaine de cerner ce qu'il entend par là. "Toi et moi" quoi ? La réponse à sa question s'impose à l'instant où elle la pose. Oh.
Elle s'humecte les lèvres, prunelles qui échappent à Hiro le temps de se poser sur ses propres doigts inertes sur la table. Pas nerveuse, Nara. Juste. Incapable de choisir, comme souvent, comme tout le temps. Tout le temps depuis Bora, puisqu'elle n'est plus certaine... d'avoir le bon jugement. Tu signes souvent tes contrats sans en lire les clauses ? Au complet — petits caractères inclus. Elle s'interrompt. Tu fais souvent. Le pari d'te jeter dans le vide, sans savoir si en contrebas t'attend une étendue d'eau ou une couronne de rochers ? Elle espère qu'il réponde par la négative. Ne sait pas si c'est la Hyejin en elle ou purement Nara, ou simplement le propre de toutes les femmes, ou d'une large parcelle d'humains égocentriques : il n'y a qu'une bonne réponse et c'est — parfois, ou jamais. Mais tu es mon exception. Viens. On se casse, elle lui offre avec dans les yeux quelque chose qui pétille. Quelque chose qui dit : si tu t'échappes, là, maintenant, en laissant tout en plan, je suis peut-être à toi.
Et déjà, Nara, elle s'en va. Soulève un pan de tente et file, s'engage sur l'asphalte sans un regard en arrière. La nuit brouille les limite entre terre et ciel et bien que ne cessant d'avancer, elle attend. Veut entendre les hurlements d'une ajumma en colère ; ce serait la preuve qu'il est parti comme elle, sans laisser sur la table la somme de wons due. Et c'est con, une sale farce gratuite d'enfant qui bien qu'ayant les moyens, n'a plus envie depuis longtemps de se plier au protocole. Le temps qu'il tranche, Nara plonge une main dans sa poche ; en tire les dés auxquels elle remet constamment son destin. Paire, j'me tire; impair, je suis à toi. Au creux de sa poitrine, les rugissements d'un myocarde qui aspire, coupable, à la seconde option.
JAN, 07. Dés jetés ; dont les faces irisées embrassent le bitume pour interpréter la comédie d'un hasard qu'elle a érigé en pièce maîtresse de son théâtre. Les polyédriques de jeu de rôle gravés de chiffres bleus achèvent leur course sur deux impairs qui, assemblés, offrent une réponse paire à la décision qu'elle leur a confiée. Derrière elle résonnent les pas d'une course dont elle aime l'échos, shot d'adrénaline injecté sous l'épiderme ; elle l'accueille d'un bras tendu, referme sa main sur la sienne.
Et il y a leurs rires qui s'étirent en longue traine sur le fond d'injures et de menaces crachées sur leur sillage. Et la lassitude qui pulse sous les parois des côtes, les perce de points essoufflés lorsque les mètres engloutis les mettent à l'abris du courroux provoqué. Et maintenant? il demande, et la pianiste lui dédie son plus beau sourire. Maintenant, on improvise. Cela dit— (les bouts de ses doigts lui prennent la mâchoire en coupe, touché léger, puis migrent sur son cou, s'alignent sur sa nuque pour l'attirer à elle ; et entre chaque effleurement de leurs lèvres : ) à chaque fois que tu me maudiras, rappelle-toi que t'as signé pour ça.
(Bien plus tard, le trajet du retour s'orne d'un détour jusqu'à la tente encore éclairée et Nara s'outre d'un Hey ! T'es un tricheur. auquel Hiro rétorque par un sourire désarmant. Trop tard. T'as signé pour ça, il nargue avant de poser les billets sur le comptoir, mais elle parvient tout de même à le convaincre de disparaître avant que l'imposante de la ajumma n'ait le temps de leur décoller les oreilles.)
(Et le lendemain, lorsque les bras de Tae s'enroulent autour de sa taille, joueurs, elle échappe en riant à l'étreinte ambiguë, en glissant du comptoir de la cuisine sur lequel elle était perchée. Noooope. J'ai un mec maintenant, les dés ont tranché. C'est marrant, la tête que tire son meilleur ami lorsqu'il demande qui et qu'en guise de réponse, elle s'empare d'une boîte de céréales pour désigner le visage qui y est affiché, avant de piocher une poignée des délices sucrés qu'elle déguste à même l'emballage. Vraiment trop mignon, son Tae.)
FEV, 14.Non bébé, ça m'va nickel. Méga sûre. Certaine à 500%. Haussement d'épaules désintéressé ; ça lui convient vraiment, le joyeux capharnaüm qui envahit l'espace et rend caduc une soirée que les coutumes veulent romantique. À travers la vitre du microondes, les popcorns bondissent dans tous les sens, feu d'artifice goût beurre-polyester. Dingue— c'est la cinquième fois qu'elle en prépare et ces saletés ont toujours le même succès fou, à croire que les mecs ont un faible pour l'absence de saveur. Une traînée de baisers lui chatouille la nuque et l'arrache à sa contemplation. Nara penche la tête à gauche, à droite, partout où les lèvres coupables cherchent à l'atteindre par traitrise. Arrête— tsais que j'ai horreur de ça ! Aucune crédibilité tant sa voix, quoique tranchante, est chargée d'amusement. Hiro finit par la coincer contre la porte du réfrigérateur et, d'un toucher suave, coule une main taquine jusqu'à sa cuisse pour la pousser à l'enrouler autour de sa taille. N'importe qui pourrait entrer, elle prévient mi-dubitative mi-faussement excédée. Mais les éclats de voix qui rebondissent contre les murs de la pièce d'à côté laissent percevoir de toutes autres priorités.
C'est soirée match pour les basketteurs, excuse idéale pour sortir bières et snacks à foison. Nara, elle, enchaîne les paquets de sucreries qu'elle garde jalousement pour elle seule. Non que l'équipe de Hiro, entassée dans le salon, s'en plaigne. Et ces popcorns, femme ! retentit un timbre grave et moqueur émis depuis le canapé et oh, il la cherche. C'est de la misogynie de pacotille, ornement fantaisie enfilé à titre de plaisanterie. Elle le sait— la rengaine s'est vite avérée familière, vouée à la sortir de ses gonds plus qu'autre chose. Nara répond à la provocation sans une seconde d'hésitation. Repousse du plat des paumes le torse de son petit-ami pour chopper le bol d'un pas résolu, le badigeonner de beurre fondu, puis rejoindre l'impertinent au salon et le lui renverser sur la tête sans aucune forme de pression. Y'a qu'à d'mander, bouffon. Le bordel de rires saccadés, alcoolisés, et de coups de gueules tonitruants reprend à plein volume ; Nara se contente de brandir un majeur dont elle embrasse l'extrémité, vtff muet mais évident lancé en direction du râleur. Quand elle recule, elle butte à nouveau contre la carrure de Hiro, lève vers lui un regard innocent doublé d'un sourire attendrissant. Nullement surprise, toutefois, lorsqu'il la qualifie de ptite enflure. Hm hm, elle acquiesce, étire un bras en arrière pour lui faire pencher l'oreille. Joyeuse anti-saint-valentin.
MARS, 10. Non mais. Putain quoi, le culot est réel. Tu sais ce qu'il m'a écrit ? Dix minutes qu'elle rage sans rien dire de concret. Suji est partie un peu plus tôt sans se douter de rien, Tae est en plein shooting et Hiro a eu le malheur d'oublier son code d'immeuble pour la whatmillième fois— a atterri chez elle, de fait, et subit depuis la frustration distillée tel un poison dans ses veines par un certain Aleksei rebaptisé pour l'occasion He-who-must-not-be-named. Déjà, pourquoi tu m'as laissée drunk-texter ce nullos hier soir ? T'es mon mec, tu devrais, je sais pas. Confisquer mon téléphone. Pause. Réflexion. Scratch that, ne confisque jamais mon téléphone. Mais euh. T'aurais pu faire un truc. J'sais pas quoi mais t'aurais dû. Un nouveau message fait vibrer son téléphone et en dépit de son envie de prétendre n'en avoir rien à cirer, elle s'en empare avec la vélocité d'un aigle. Émet un Oh ! dramatique, lève les yeux au ciel si intensément qu'ils manquent d'échapper à leurs orbites, et tape furieusement la réponse en pestant à mi-voix. Il est sérieux ? Il me balance que— non en fait, laisse tomber. C'est la même rengaine depuis les prémices de cet échange qui n'en est guère un, et Nara se suspend au point final de son dernier message pour jauger Hiro d'un regard méfiant. Tu m'écoutes ? Mais le son à peine formulé dont elle écope en guise de réponse indique de façon flagrante que non. Nam. Hiro. Tu recommences à m'ignorer quand je te parle. Succès mitigé. J'hallucine, t'es encore en train de parler à Levi c'est ça ? Rien ne semble pouvoir le captiver suffisamment toutefois pour l'arracher à sa dévotion-obsession alors, en ultime recours, Nara tape du bout d'un ongle manucuré sur la surface du téléphone dévoreur-d'âme ayant littéralement happé son petit-ami. H e l l o, j'existe, elle clame du ton un peu dédaigneux de celle qui oublie peut-être, un peu trop vite, avoir passé les derniers instants écoulés à rabâcher sans trop en dire (pour éviter une réaction trop vive) les maladresses et torts d'un autre homme. On sort ? elle propose sur un coup de tête et dans le même élan, s'entend suggérer la compagnie de Levi durant l'escapade. Oh my. T'es réellement accro, elle constate platement avant de céder. Encore heureux qu'elle s'entende un tant soi peu avec le concerné.